Pauline Marois et Gilles Duceppe ont exigé des explications du président Sarkozy. Elles sont arrivées, limpides; la relation France-Québec devra composer avec celle que la France «entretient avec le Canada dans son ensemble».

Transmise par l'Élysée le 9 février, la missive n'a été rendue publique qu'hier par le Parti québécois et le Bloc. Le président Sarkozy relève que la lettre de Mme Marois et de M. Duceppe du 4 février «a retenu toute mon attention», avant de rappeler les ententes de collaboration qu'il a signées avec le premier ministre Charest.

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La France, insiste-t-il, a tenu «à rendre hommage au peuple du Québec» en accordant à 15 personnalités québécoises l'Ordre du mérite ou la Légion d'honneur. C'est dans ce contexte que le premier ministre Charest a reçu cette distinction début février, un hommage qui au-delà de M. Charest, s'adressait «à la Nation québécoise tout entière».

Lors de cette cérémonie, le président Sarkozy y était allé de déclarations très dures à l'endroit du mouvement souverainiste, associé au « sectarisme », à la division et au «renfermement sur soi-même». Deux jours plus tard, conjointement, Pauline Marois et Gilles Duceppe envoyaient une lettre acerbe au président français, lui rappelant que son prédécesseur, Jacques Chirac, aurait reconnu une victoire des souverainistes à un référendum. Pour Mme Marois et M. Duceppe, bien qu'il n'y ait pas de référendum «dans l'avenir immédiat», «rien de fondamental n'est résolu dans les rapports Québec-Canada, il n'est pas impossible que cela survienne pendant que vous présidez aux destinées de la France», avaient-ils écrit. Advenant une victoire souverainiste, «il vous reviendra de décider si vous souhaitez laisser, ou non, la marque d'un président qui, à un moment crucial, a su répondre avec une réelle fraternité à l'appel de l'Histoire », défiaient les souverainistes.

Dans sa réponse, Nicolas Sarkozy ne donne guère de prise aux interprétations. «Je souhaite que cette nouvelle relation franco-québécoise s'épanouisse en harmonie avec la relation que la France entretient avec le Canada dans son ensemble», écrit-il.

Invitée à commenter, Louise Beaudoin, critique du PQ en matière de relations internationales, insistait davantage sur un autre paragraphe, où M. Sarkozy a clairement édulcoré sa lecture « sectariste » de la société québécoise. « Les Québécois dans la diversité de leurs engagements et de leurs opinions tiennent une place particulière dans le coeur des Français », écrit le président Sarkozy.

«On doit constater un grand changement de ton entre ses paroles à l'Élysée et ce qu'il écrit aujourd'hui. Quand on lit le dernier paragraphe, au lieu de parler des bons et des méchants, il met tous les Québécois, quelle que soit leur opinion...» observe Mme Beaudoin.

Pour elle, avec le paragraphe précédent, le président Sarkozy s'adresse au premier ministre Charest dans cette lettre envoyée à Pauline Marois et à Gilles Duceppe. «Est-ce que M. Charest accepte cette nouvelle idéologie triangulaire? La question s'adresse à M. Charest. Est-ce que cela veut dire que le gouvernement du Québec sera soumis aux diktats d'Ottawa dans ses relations avec la France?» a-t-elle lancé. «Ce n'est pas un message à nous, c'est un message au gouvernement du Québec. Avec cette thèse, il n'y aurait pas de Délégation du Québec en France avec les privilèges qu'on lui connaît. Pas de diversité culturelle!» a-t-elle lancé.

Pour elle, c'est à M. Charest ou au ministre des Relations internationales, Pierre Arcand, de répondre. Au cabinet de Jean Charest, l'attaché de presse Hugo D'Amours prévenait qu'il n'y aurait pas de déclaration de son patron. «On n'a pas à interpréter ce qu'a écrit le président. On signe des ententes de coopération avec la France, on laisse Mme Beaudoin à ses chicanes», a-t-il laissé tomber.

Pour le député bloquiste Pierre Paquette, la lettre du président offre «un ton fraternel». «Il veut, je pense, rétablir les choses pour travailler sur une base beaucoup plus solide pour l'avenir, contrairement à ses premières déclarations au ton plus provocant.»

M. Sarkozy «parle de la place particulière que tient dans le coeur des Français la nation québécoise. Il parle aussi d'une relation unique. Alors, je crois qu'il reconnaît que cette relation unique entre la France et le Québec demeure extrêmement importante pour les Français comme pour les Québécois.»

Le président Sarkozy garde le cap sur sa détermination à préserver les relations avec «le Canada dans son ensemble». «Il peut avoir son opinion. Ce qui est important, pour nous, c'est que le Québec puisse continuer à avoir des relations privilégiées avec la France et que la France considère le Québec comme un partenaire unique, ce qui a été reconnu dans la lettre de M. Sarkozky.»