Le ministre québécois de la Sécurité publique a beau s'évertuer à dire qu'il ne paiera pas les avocats des deux garçons blessés lors du drame qui a coûté la vie à Fredy Villanueva, les partis d'opposition refusent de laisser tomber.

La confiance de la population du Québec et surtout de Montréal-Nord dans le système de justice est en jeu, croient autant le Parti québécois (PQ) que l'Action démocratique du Québec (ADQ).

Le ministre Jacques Dupuis a vainement tenté, lundi, de faire comprendre à tous que son refus est définitif, disant que «dans les enquêtes du coroner, chacun paie ses avocats».

Il a répété que la décision de défrayer les honoraires des juristes de la famille Villanueva, qu'il avait néanmoins prise «par compassion», était une «mesure exceptionnelle».

Mais l'ADQ est revenue à la charge 24 heures plus tard, sa porte-parole en matière de sécurité publique, Sylvie Roy, estimant que le ministre est en train de faire de l'«entêtement inutile» sa «marque de commerce».

«Il ne faut pas oublier qu'à Montréal-Nord, il y a encore des braises sous les cendres, a-t-elle lancé en entrevue téléphonique. Il ne faut surtout pas jeter d'huile sur le feu.

«Ils ont demandé un avocat payé aux frais de l'aide juridique», a rappelé Mme Roy, en parlant de Denis Meas et Jeffrey Sagor Metellus, les deux jeunes hommes blessés le soir du 9 août, à Montréal-Nord.

«Il me semble que ce n'est pas cher payé pour que tout le monde soit satisfait de l'enquête et qu'on ait confiance en cette enquête et en son résultat», a-t-elle ajouté.

«Ce n'est pas une enquête ordinaire parce qu'elle s'inscrit dans un contexte social qui est particulièrement difficile», a pour sa part affirmé le porte-parole du Parti québécois en ce domaine, Bertrand St-Arnaud.

«Le ministre devrait réaliser que c'est un geste peu coûteux mais important qu'il devrait poser pour que cette enquête se déroule correctement et que tous soient convaincus qu'elle se déroule équitablement», a-t-il précisé.

Il a réfuté l'affirmation du ministre Dupuis voulant que la question des honoraires des avocats soit secondaire. «Ce n'est pas une question secondaire, parce que ça nous amène au coeur même de l'équité procédurale et surtout de l'apparence d'équité», a tranché le député péquiste de Chambly.

«Présentement, malheureusement, elle (l'enquête du coroner) ne donne pas cette apparence-là aux gens parce qu'on voit d'un côté certaines des personnes impliquées, les policiers, dont les frais d'avocats sont totalement remboursés, et de l'autre côté il y a deux jeunes qui ont été directement impliqués parce qu'ils ont été blessés, et on refuse de leur payer leurs frais d'avocats», a-t-il fait valoir.

La famille Villanueva dispose quant à elle d'une assistance juridique limitée.

«Si on parle de deniers publics, je pense qu'il y a d'autres endroits où on pourrait économiser, a déclaré Mme Roy. Il faut savoir que lorsque des Hells Angels sont accusés au criminel, ils ont droit à l'aide juridique et le juge peut majorer les frais des avocats pour qu'ils soient bien défendus. Je trouve franchement que c'est deux poids, deux mesures.»

Comme la députée de Lotbinière, M. St-Arnaud se demande pourquoi M. Dupuis reste à ce point campé sur ses positions. Il ne devrait même pas avoir peur de créer un précédent, selon le député du PQ, puisque tout dans cette affaire relève de l'exception.

L'enquête du coroner ad hoc Robert Sansfaçon débutera le 25 mai. Certains témoins soutiennent qu'ils n'y participeront peut-être pas, justement parce que Québec refuse de payer les frais d'avocats des deux blessés.

«Ce qui est important, c'est qu'au bout de l'exercice on ait fait le tour de la question, qu'on ne laisse pas ça en suspens et qu'on ne remette pas en question les conclusions parce qu'il manquait un avocat, a estimé Mme Roy. Qu'on fasse un exercice utile et non futile.»