Le Parti québécois rompt tous ses liens avec l'éditeur controversé Patrick Bourgeois, tournant ainsi le dos à l'aile radicale du mouvement souverainiste.

Dorénavant, les députés péquistes n'achèteront plus de publicité dans le journal «Le Québécois» que dirige M. Bourgeois, a fait savoir vendredi le bureau de la chef péquiste Pauline Marois. «M. Bourgeois a fait des commentaires inacceptables, inappropriés, qui s'apparentent à des propos violents. Notre parti prône depuis 40 ans l'atteinte de son objectif par des voies démocratiques et pacifiques», a indiqué un collaborateur de Mme Marois à La Presse Canadienne.

M. Bourgeois s'est retrouvé sous les feux de la rampe ces dernières semaines avec ses propos teintés de menace pour dénoncer la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham.

Figure de proue du Réseau de résistance du Québécois (RRQ), Patrick Bourgeois était allé jusqu'à évoquer «des appels au meurtre» pour court-circuiter le projet envisagé par la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN), une agence fédérale.

Voyant les esprits s'échauffer, la CCBN a finalement annoncé en début de semaine qu'elle tirait un trait sur la reconstitution qui devait marquer l'été prochain à Québec le 250e anniversaire de la bataille.

Dans l'espoir de ne pas être associé aux éléments les plus agités du mouvement souverainiste, le PQ avait saisi la première occasion venue pour se dissocier de M. Bourgeois et des militants du RRQ.

«Il y a autant de liens entre le PQ et Patrick Bourgeois (du RRQ) qu'entre Jean Charest et Charles Guité (l'un des principaux artisans du scandale des commandites)», avait lancé le leader parlementaire péquiste, Stéphane Bédard.

Or, un examen des derniers numéros du journal Le Québécois avait permis de constater que le PQ entretenait avec M. Bourgeois des relations beaucoup plus serrées que voulait le laisser croire le député Bédard.

À eux seuls, le Parti québécois et le Bloc assuraient pas moins de 80 pour cent des revenus publicitaires du journal.

Dans les 13 derniers numéros, de l'été 2006 à janvier 2009, les députés péquistes et bloquistes ont placé 175 publicités dans le périodique militant.

M. Bédard, député de Chicoutimi, est l'un des clients les plus réguliers du Québécois. Un encart avec sa photo apparaît dans les sept derniers numéros du journal.

Parmi les députés annonceurs figurent, entre autres, Pierre Curzi, François Gendron, François Legault, Stéphane Bergeron, Marie Malavoy, Maka Kotto et Camil Bouchard.

«Sur des revenus publicitaires de 8000 $ à 10 000 $, environ 80 pour cent proviennent du PQ et du Bloc», a expliqué M. Bourgeois en entrevue téléphonique.

Que le PQ retire ses billes n'est pas une surprise pour l'éditeur. Il reconnaît que les écarts de langage de certains opposants à la reconstitution de la bataille des plaines ont indisposé Pauline Marois et fourni des munitions à ses détracteurs, particulièrement Jean Charest.

«C'est sûr qu'on parle fort et qu'on ne fait pas dans la dentelle», a admis M. Bourgeois.

Mais la décision de la chef péquiste est fort regrettable puisqu'elle privera le Parti québécois d'une tribune précieuse, a-t-il ajouté.

«Que le PQ le veuille ou non, il y a des militants indépendantistes de l'aile radicale, de la frange des purs et durs et c'est une façon pour le parti de rejoindre ces gens-là», a estimé M. Bourgeois.

Quant au journal, il survivra malgré la ponction de quelques milliers de dollars.

La vente d'espaces publicitaires ne représente qu'une part marginale des revenus du Québécois, qui «vit, se finance et fait des profits avec les abonnements», a relaté son directeur, refusant toutefois de dévoiler le nombre d'abonnés.

Par ailleurs, depuis que la CCBN a cédé aux pressions des militants du RRQ et abandonné son projet de reconstitution, Patrick Bourgeois dit vivre des heures sombres.

«J'ai reçu plusieurs menaces de mort», a-t-il confié, imputant aux «radios poubelles de Québec», l'hostilité qui se manifeste à son égard.