La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a cédé à la pression et accepté de comparaître aujourd'hui devant une commission parlementaire spéciale sur les pertes colossales de la Caisse de dépôt et placement.

La grande argentière du gouvernement a fait volte-face en pleine période des questions hier. Elle a pris au dépourvu le Parti québécois qui ne s'attendait pas à un tel coup de théâtre.

 

Après deux heures de négociation, le gouvernement et l'opposition se sont finalement entendus sur les modalités d'une commission spéciale qui faisaient l'objet d'un litige depuis le 25 février.

«Il y aura une commission parlementaire ouverte, et je répondrai à vos questions», a lancé Monique Jérôme-Forget l'index pointé vers l'opposition, au salon Bleu de l'Assemblée nationale. La chef péquiste Pauline Marois venait tout juste d'accuser la ministre de «manquer de respect envers la population et envers la démocratie». La réponse de Mme Jérôme-Forget l'a déstabilisée.

Jusqu'à maintenant, la ministre refusait de comparaître devant une commission parlementaire sur la saignée de 40 milliards de dollars à la Caisse pour l'année 2008. Elle ne voulait pas «politiser» le débat. Elle était allée jusqu'à enterrer l'idée même d'une commission spéciale la semaine dernière. Elle s'est finalement ravisée.

Mais à la sortie du salon Bleu, Monique Jérôme-Forget s'est défendu d'avoir fait un virage à 180 degrés. «Il n'y a pas d'explications à donner. J'ai toujours dit que je voulais une commission parlementaire. Je tiens le cap», a-t-elle dit. La ministre a ensuite reconnu qu'elle avait refusé de comparaître jusqu'ici, car elle voulait que seuls les dirigeants de la Caisse s'expliquent en commission.

L'opposition officielle «disait que c'était un drame, que je ne répondrais pas aux questions» ailleurs que devant une commission spéciale. «Mais moi, ne pas répondre aux questions? Je réponds toujours aux questions», a-t-elle ajouté.

Durant la période des questions en Chambre, la ministre est allée jusqu'à sortir une bible de son pupitre pour assurer à tous qu'elle dit vrai lorsqu'elle affirme avoir appris les pertes importantes de la Caisse après les élections seulement. «Je réponds la main sur la Bible, M. le président, parce que je dis la vérité, d'accord, je dis la vérité!»

L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité hier une motion qui met sur pied une commission parlementaire spéciale. Cette commission entamera ses travaux ce matin à 9h30, au salon Rouge. La ministre Jérôme-Forget sera sur la sellette pendant deux heures.

Audition de 11 témoins

Les travaux de la commission reprendront une fois que la Caisse aura transmis une série de documents, dont son rapport annuel, ses politiques de rémunération et de gestion de risque. Ce pourrait être le mois prochain.

À cette occasion, plusieurs dirigeants de la Caisse seront entendus: le PDG intérimaire Fernand Perreault, ses prédécesseurs Richard Guay et Henri-Paul Rousseau, le vice-président des affaires juridiques Claude Bergeron, l'ex-président du conseil d'administration Pierre Brunet, le président du comité de gestion des risques, Alban D'Amours. Des dirigeants de cinq déposants de la Caisse - RRQ, SAAQ, CSST, RREGOP et CCQ - défileront également devant les parlementaires.

Après l'audition de ces 11 témoins, Monique Jérôme-Forget a accepté de comparaître de nouveau devant la commission spéciale pour une durée de quatre heures. C'est l'une des concessions du gouvernement. Le PQ a aussi mis de l'eau dans son vin en abandonnant sa demande de faire témoigner des experts.

«Je suis très heureuse pour la population du Québec. Aujourd'hui, c'est elle qui est gagnante, a affirmé Pauline Marois. Je crois qu'on y est pour quelque chose, les commentateurs aussi (...). On a réussi à démontrer que le gouvernement avait sa part de responsabilité et qu'il fallait qu'il agisse en toute transparence.»

Mais pour le leader parlementaire, Jacques Dupuis, c'est le gouvernement qui a eu gain de cause. «On a toujours dit, nous, que les dirigeants de la Caisse devaient être entendus en commission pour justifier leurs décisions et que le débat politique devait se faire dans un autre temps. Et c'est exactement ce qu'on obtient finalement», a-t-il dit. «Tout est bien qui finit bien», a ajouté le député qui avait défendu sur toutes les tribunes le refus de la ministre de comparaître.

Pour le député adéquiste François Bonnardel, «c'est la victoire du gros bon sens». «La ministre a reculé sous la pression populaire», s'est-il félicité. Mais depuis la semaine dernière, l'ADQ n'exigeait plus la comparution de Mme Jérôme-Forget.