Philippe Couillard a négocié pendant des mois son passage au secteur privé alors qu'il était toujours ministre de la Santé. Il a même conclu un «protocole d'entente» avec le fonds d'investissement en santé Persistence Capital Partners (PCP) plus de cinq semaines avant de démissionner le 25 juin dernier.

Déposé à l'Assemblée nationale hier, le rapport d'enquête du commissaire au lobbyisme, André C. Côté, contredit bien des déclarations faites jusqu'ici par Philippe Couillard. Le 25 juin, l'ex-ministre disait n'avoir aucun projet précis devant lui. En août, il affirmait que ses discussions avec PCP au printemps 2008 avaient été d'ordre «général» et que les négociations entourant son embauche s'étaient tenues uniquement après son départ de la vie politique.

 

Dans son rapport, André C. Côté conclut que PCP n'a commis aucune infraction à la loi sur le lobbyisme lors de ses échanges avec le ministre de la Santé de l'époque. Mais il ne porte aucun jugement sur les actions de M. Couillard, passé officiellement chez PCP en août dernier, moins de deux mois après sa démission. «Il est essentiel d'affirmer que le Commissaire au lobbyisme n'a pas pour mandat d'évaluer la conduite de M. Couillard ni de déterminer si en initiant des démarches qui l'ont conduit à rencontrer MM. Sheldon et Stuart M. Elman (de PCP) entre mars et mai 2008 pour discuter d'une éventuelle association, il se plaçait dans une situation pouvant comporter des éléments de conflits d'intérêts ou de conflits de rôles», indique M. Côté dans son rapport.

En conférence de presse, le commissaire a toutefois reconnu que cette situation soulève des «questionnements». «La seule chose que je peux constater, c'est qu'il s'est fait beaucoup d'activité autour de cette situation-là, peut-être qu'elle mérite qu'on s'y attarde un tout petit peu et qu'on en discute. (...) Je pense que peut-être que ce serait intéressant qu'on ait un débat», a-t-il affirmé.

Dans La Presse du 20 août 2008, deux jours après son passage chez PCP, M. Couillard reconnaissait qu'il avait eu des contacts avec son futur employeur lorsqu'il était ministre. «On a eu des rencontres, uniquement des conversations générales. Dans les quelques jours qui ont précédé ma démission, il est devenu apparent qu'on pouvait envisager une collaboration professionnelle, mais ça s'est concrétisé après le 25 juin», avait-il dit, une déclaration qui avait poussé le commissaire au lobbyisme à faire enquête.

Or André C. Côté révèle que dès le 17 mai, un peu plus de cinq semaines avant sa démission, Philippe Couillard a signé avec PCP un «protocole d'entente concrétisant l'accord des parties et fixant les conditions de rémunération et d'autres considérations matérielles». Le 14 juin, toujours avant son départ de la vie politique, M. Couillard a confié le mandat à ses procureurs de finaliser la négociation et de rédiger un contrat formel.

«On parle d'un conflit d'intérêts direct et flagrant», a tonné la leader parlementaire adjointe du Parti québécois, Agnès Maltais, lors de la période des questions, hier. Elle a condamné le comportement de Philippe Couillard qui a continué de siéger au Conseil des ministres même après avoir accepté l'offre de PCP. «Comment le premier ministre a pu tolérer une telle situation?» s'est-elle demandé, accusant Jean Charest de «couvrir» son ancien ministre.

Le leader parlementaire du gouvernement, Jacques Dupuis, a répliqué que le rapport du commissaire au lobbyisme ne porte aucun jugement sur les actions de Philippe Couillard. «Ce que la députée de Taschereau fait actuellement, en anglais ça s'appelle du «wishful thinking» (des voeux pieux). C'est ce qu'elle aurait voulu que le commissaire dise et qu'il ne dit pas. C'est aussi simple que ça», a-t-il affirmé, rappelant qu'aucune infraction à la loi sur le lobbyisme n'avait été commise.

Le ministère du Conseil exécutif, qui relève du premier ministre et veille au respect des règles éthiques, n'entend pas faire enquête. «C'est un dossier qui est classé», a affirmé la secrétaire générale associée, Marie-Claire Ouellet.

Tout juste avant de quitter la politique le 25 juin 2008, Philippe Couillard a signé deux décrets favorables aux cliniques privées, sur les traitements médicaux pouvant y être dispensés et la réduction du coût de leur permis d'exploitation. Mais selon le commissaire au lobbyisme, PCP, propriétaire des cliniques privées Medisys, n'a pas tenté d'influencer M. Couillard dans sa décision.

Selon le rapport, Philippe Couillard a pris sa décision de quitter la vie politique durant les Fêtes. En janvier, il a pris contact avec la firme de placements de cadres Egon Zehnder International qui a organisé une première rencontre avec PCP le 17 mars. Trois autres ont suivi. Philippe Couillard a décliné toute demande d'entrevue hier.