Des retards, des possibilités réduites et surtout des dépassements de coûts. Un autre projet d'informatisation est sous haute surveillance au gouvernement du Québec: la modernisation de la Commission administrative des régimes de retraite (CARRA) a déjà plus que doublé par rapport aux budgets de départ.

On prévoyait 30 millions de dollars au tout début, en 2002, quand la désuétude des systèmes de la CARRA était devenue évidente. Il y a exactement un an, devant la commission parlementaire des Finances, la présidente de la CARRA, Jocelyne Dagenais a haussé la barre à 53 millions.

Or, au terme d'une partie de bras de fer avec la firme LGS, responsable du projet RISE, la CARRA vient de demander 21 millions supplémentaires au gouvernement, a-t-on indiqué hier à l'organisme - ce qui fait grimper l'aventure à 74 millions. La livraison du système, prévue pour ce printemps, sera décalée de 10 mois, expliquait-on hier. Et à l'interne, on indique déjà que le logiciel ne pourra réaliser toutes les opérations prévues à l'origine.

Cette dérive n'est qu'un chapitre de plus dans la saga des mégacontrats informatiques du gouvernement du Québec qui tournent au cauchemar. Le Vérificateur général du Québec avait déjà dénoncé des dépassements de 200 millions au projet GIRES, devenu SAGIR. La Presse a révélé en début d'année que la CSST avait mis fin à une entente avec DMR après avoir dépensé 30 des 45 millions prévus à un autre contrat de modernisation.

Un autre projet ambitieux à Hydro-Québec, annoncé à 265 millions, a coûté au moins 200 millions de plus. Et dans les coulisses gouvernementales, on entend parler de projets à la Régie d'assurance maladie et au ministère de la Justice où les administrateurs songent aussi à tirer l'alarme.

À la CARRA, le «Renouvellement et l'intégration des systèmes essentiels», surnommé RISE, a été octroyé en 2005, à la firme LGS, dans le cadre d'une opération plus large de modernisation des systèmes de l'organisme qui gère les retraites de l'ensemble des salariés de l'État. En 2002, on avait prévu un total de 67 millions pour cette opération dont 30 millions étaient destinés à RISE. En décembre 2004, la commission parlementaire des Finances publiques a déjà souligné avoir constaté «un problème très sérieux en matière d'équipement et de systèmes informatiques» à la CARRA. L'organisme devait fournir des simulations de rentes de retraite à un nombre toujours croissant de retraités, et ne suffisait pas à la demande. Surtout, expliquera plus tard la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, certains prestataires s'étaient vus allouer des niveaux trop élevés de rente, qu'il était difficile de rajuster par la suite.

Dans une série de résolutions du conseil d'administration de la CARRA, obtenues par La Presse en vertu de la loi sur l'accès à l'information, on explique les raisons qui ont incité Mme Dagenais à demander une vérification indépendante par PricewaterhouseCoopers, sur les problèmes, nombreux, apparus dans la conception du progiciel.

Jusqu'à ce jour, 34 millions ont déjà été payés à la firme informatique - malgré tout, cinq ans après le début du projet, le travail quotidien des employés de la CARRA n'a pas changé. Les effectifs qui étaient de moins de 500 en 2002, atteindront 680 cette année - sans compter que depuis quatre ans, on retrouve environ 150 «consultants» informatiques au siège social de la société d'État, indiquent des sources à l'interne.

Fin novembre 2008, le conseil d'administration de la CARRA était allé jusqu'à reporter son feu vert aux besoins financiers de la CARRA, «jusqu'à ce que les membres du conseil puissent prendre connaissance des coûts reliés à l'implantation et l'exploitation de RISE».

Un mois plus tard, on donnait le feu vert, après que le projet eut été scindé en cinq parties et qu'on eut reporté d'un an l'échéance. Dans son Plan Stratégique 2009-2010, la CARRA convient que «l'enjeu majeur (pour l'année) consiste à compléter avec la participation de notre personnel le chantier du projet RISE».

Les administrateurs de la CARRA ont cru bon de serrer la vis et de contrôler très étroitement l'aventure devenue de plus en plus coûteuse - passée en sept ans de 30 à 74 millions.

Mesure exceptionnelle, à chaque réunion du conseil, les responsables du projet doivent faire des présentations sur la qualité du travail effectué, le respect des échéanciers et des budgets.

À la mi-décembre 2008 le conseil a donné le feu vert à une demande de 10 millions en fonds publics supplémentaires - on en était à 21 millions de plus, a expliqué hier une porte-parole de l'organisme.

La vérification de PricewaterhouseCoopers a coûté 65 000 $ ; de plus, cinq consultants ont travaillé pendant un mois à des tarifs quotidiens variant de 2400 $ à 1750 $, révèlent les documents obtenus par La Presse.

Dans un rapport du 13 février dernier sur l'avancement des projets informatiques, on constate que 330 des 428 anomalies constatées dans ce qui avait été livré à ce jour avaient pu être «résolues et fermées». Sur les 98 bogues, les «anomalies» qui restent, «seulement quatre sont considérées comme bloquantes» observe-t-on. Des demandes de changements sont encore en discussion avec le fournisseur, relève le rapport qui suggère de «les inclure dans les cycles d'essai le plus tôt possible», et de les suivre «de très près».

- Avec la collaboration de William Leclerc