Le premier ministre Jean Charest perd sa dame de fer. La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a accroché son armure et quitté la vie politique hier, quatre mois jour pour jour après les élections générales. Raymond Bachand se retrouve à la barre des Finances en pleine tempête économique.

Monique Jérôme-Forget a pris «il y a pas mal longtemps» la décision de démissionner aussitôt après l'adoption de son budget, qui est survenue mardi. «En janvier, février et mars, j'avais averti il y a longtemps le premier ministre que je faisais un budget, que je votais le budget et que le lendemain du vote, je quittais», a-t-elle indiqué en conférence de presse à Montréal.«Il y a un bon moment déjà», elle a même acheté son billet d'avion pour le Mexique où elle suivra des cours d'espagnol durant les cinq prochaines semaines. Elle possède une somptueuse résidence à Merida avec son mari, l'ancien ministre Claude Forget. Monique Jérôme-Forget a confirmé son départ à M. Charest dimanche, puis annoncé la nouvelle à l'ensemble de son cabinet lundi.

«Je ne devais pas me présenter lors de la dernière campagne électorale. Mais j'ai décidé, suite à une demande du premier ministre, d'aller de l'avant et de me présenter», a confié la ministre démissionnaire.

Mme Jérôme-Forget, 68 ans, se dit «très à l'aise» de tirer sa révérence quatre mois seulement après avoir sollicité un nouveau mandat dans Marguerite-Bourgeoys. «À mes commettants, je vais leur dire que je voulais être là pour faire le budget de 2009, précisément à cause de la situation économique et parce qu'il fallait faire des choix importants, comme maintenir les services de santé et d'éducation, maintenir le Fonds des générations et accepter de faire un déficit. Je suis capable d'aller défendre ça dans mon comté très facilement», a-t-elle affirmé. Selon elle, «il n'y a jamais de bon moment pour quitter la vie politique».

Plus tôt, en matinée, Monique Jérôme-Forget a annoncé sa décision à la presse parlementaire en compagnie de Jean Charest, sans toutefois répondre aux questions. «Je quitte de façon sereine. Je vais retrouver ma famille, mes petits-enfants, ma filleule, mon mari, tous des gens que j'aime beaucoup qui m'ont appuyée, qui étaient fiers de moi», a-t-elle affirmé, les larmes aux yeux.

Monique Jérôme-Forget se dit tout particulièrement fière de trois réalisations au cours de son passage de 10 ans en politique: le règlement sur l'équité salariale dans le secteur public et parapublic; l'adoption du programme sur les infrastructures; le contrôle des dépenses qui a mené à une augmentation de la cote de crédit du Québec. Elle a tenu à remercier Jean Charest pour lui avoir donné «la job de (sa) vie».

Le premier ministre accepte «avec tristesse» la démission de sa ministre. «Monique Jérôme-Forget a été un exemple pour les femmes du Québec. Elle a été et sera toujours un exemple de courage, de leadership, de persévérance, de détermination et d'originalité. On n'est pas à la veille d'oublier la sacoche et le syndrome de la pépine!» a-t-il lancé. Elle a «ramené la rigueur dans la gestion des affaires de l'État» et déposé trois budgets «marquants».

Moments difficiles

Les derniers mois ont toutefois été difficiles pour Mme Jérôme-Forget. Elle s'est retrouvée sur la sellette à la suite des pertes de 40 milliards de dollars de la Caisse de dépôt et de la nomination controversée de Michael Sabia à titre de PDG. Elle a déposé un budget écrit à l'encre rouge, alors que les libéraux avaient promis en campagne électorale de ne faire aucun déficit. Elle a aussi annoncé une hausse d'un point de la TVQ, qui sera en vigueur en 2011, alors que le gouvernement avait toujours condamné ce genre de mesures.

Détentrice d'un doctorat en psychologie, Monique Jérôme-Forget a été élue la première fois députée de Marguerite-Bourgeoys en 1998. Jean Charest l'a nommée présidente du Conseil du Trésor à la suite de son arrivée au pouvoir, en 2003. Cette femme colorée, reconnue pour son franc-parler, a hérité des Finances en 2007. Avant de faire le saut en politique, elle a été sous-ministre adjointe au ministère de la Santé à Ottawa, PDG de la CSST, et présidente de l'Institut de recherche en politique publique.

Sans surprise, Raymond Bachand devient le nouveau ministre des Finances. Il demeurera titulaire du Développement économique et responsable de la métropole. «C'est avec beaucoup d'énergie en cette année difficile que je vais aborder ce mandat», a affirmé M. Bachand, après avoir prêté serment en compagnie de Jean Charest, dans les bureaux du lieutenant-gouverneur Pierre Duchesne.

«Le défi du Québec au printemps 2009, c'est de s'assurer que l'économie continue de rouler grâce à ce qu'on fait, l'ensemble des programmes. Et c'est une bonne période pour avoir une jonction Développement économique et Finances», a ajouté le nouveau grand argentier. Il entend «garder le cap sur la rigueur budgétaire». Il a rendu hommage à Mme Jérôme-Forget en disant qu'elle «laisse les choses en bon ordre».

Raymond Bachand devra toutefois composer avec des déficits pour les quatre prochaines années, de 11 milliards au total. Il devient le quatrième ministre des Finances du gouvernement Charest après Yves Séguin, Michel Audet et Mme Jérôme-Forget. Cette dernière était également ministre des Infrastructures. Cette responsabilité se retrouve entre les mains de la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay.

Jean Charest a écarté l'idée de procéder à un grand remaniement ministériel, surtout en pleine session parlementaire. Il pourrait procéder à un remaniement important cet automne, après les élections partielles dans Rivière-du-Loup et Marguerite-Bourgeoys.

Pour la chef péquiste Pauline Marois, Jean Charest est en bonne partie responsable du départ de Monique Jérôme-Forget. Il s'en est servi comme «paratonnerre» et lui a laissé porter le fardeau des décisions difficiles et controversées comme l'annonce d'un déficit budgétaire. C'est «une figure importante» qui part, ce qui est «inquiétant pour le gouvernement», surtout en pleine crise économique, a-t-elle ajouté.