Le Fonds d'intervention économique régional (FIER) de Granby a fait un placement de 250 000$ dans un «hôtel de luxe pour chats et chiens» de Montréal, ce qui ne peut être considéré comme un investissement «structurant» en capital de risque, accuse le Parti québécois.

Même si des irrégularités sont alléguées jour après jour depuis une semaine, le premier ministre Jean Charest rejette l'idée de confier au vérificateur général le mandat de mener une enquête spéciale sur la gestion des FIER.

 

Lors de la période des questions en Chambre hier, la député péquiste Agnès Maltais s'est indignée que le FIER Montestrie Capital, de Granby, ait investi 250 000$ - les deux tiers viennent de l'État - dans l'hôtel Muzo «pour chats et chiens urbains», un établissement situé tout près du canal de Lachine.

«Je vous assure, les animaux de compagnie sont très bien traités: hôtel climatisé, télévision, webcam, gymnase, service de limousine, toute la grosse affaire. Est-ce que le ministre du Développement économique trouve acceptable que des fonds publics de l'Estrie servent à un hôtel de luxe pour animaux à Montréal? Est-ce que c'est ça, du capital de risque?» a-t-elle lancé.

La députée de Taschereau a rappelé que les FIER ont pour mandat d'investir principalement dans leur région. Elle trouve paradoxal qu'un hôtel pour chiens et chats soit admissible à l'aide des FIER alors que les entreprises agricoles ne le sont pas en vertu des règles d'Investissement Québec. «Est-ce qu'on peut admettre qu'il y a des investissements un peu plus structurants que celui-là et qui ont un petit peu d'impact en profondeur?» a demandé de son côté la chef péquiste Pauline Marois en conférence de presse.

Propos «méprisants et hautains»

Le ministre Raymond Bachand a accusé Mme Maltais de tenir des propos «méprisants et hautains envers l'industrie des services». «Je pense que les animaux, elle s'en fout, M. le président. Il n'y a pas une sotte entreprise, il y a des entreprises qui servent tous les besoins des citoyens. (...) J'espère que les millions de Québécois qui sont propriétaires de chiens et de chats écoutent la députée.»

Le président du FIER de Granby, Mario Limoges, a défendu la pertinence de l'investissement réalisé en 2006 alors que Muzo était «en démarrage». «C'est du capital de risque, oui. C'est risqué. On n'est pas sûr de ravoir nos billes», a-t-il affirmé. Selon lui, «le concept de Muzo est innovateur et très intéressant». Le placement aurait entraîné la création de 10 emplois, selon un document d'Investissement Québec. Les 10 autres placements du FIER ont été faits dans la région de Granby, a indiqué M. Limoges.

De son côté, le député péquiste François Legault a avancé que le donateur libéral et avocat Valier Boivin a reçu des honoraires totalisant 202 000$ en 2006 et 2007 de la part de Systèmes BUS, une entreprise dont il était actionnaire et qui a obtenu 1,4 million de dollars du FIER Ville-Marie et du FIER Boréal. M. Boivin est administrateur de ces deux fonds. Joint par La Presse, le principal intéressé a nié les allégations de M. Legault.

Quelque 260 entreprises ont bénéficié de l'aide des FIER, ce qui a permis de créer 1893 emplois, a insisté Raymond Bachand. «Quant aux règles spécifiques, s'il y a des ajustements à faire, j'ai demandé à Investissement Québec de réfléchir à la question et de me revenir avec des recommandations.»

Demande d'enquête

Dans une lettre envoyée hier au président du conseil d'administration d'Investissement Québec, Robert Cloutier, le ministre a demandé à l'organisme de «revoir l'ensemble des dossiers» pour déterminer si les règles, notamment en matière de conflits d'intérêts et de placements en région, ont été respectées. Six FIER contreviennent à la politique d'investissement et ont fait plus de 50% de leurs placements à l'extérieur de leur région.

«Demander à Investissement Québec d'enquêter sur son propre comportement, je crois que ça manque totalement de crédibilité», a répliqué Pauline Marois. Selon elle, comme le ministre s'est «discrédité» dans ce dossier, «la seule avenue possible» pour «mettre un terme aux dérives» est une enquête du vérificateur général sur la gestion des FIER.

Mais pour Jean Charest, l'intervention du vérificateur général n'est «pas du tout» nécessaire. «Les FIER sont, dans l'ensemble, un bon succès. Maintenant, s'il y a de cas particuliers, on va demander à Investissement Québec qu'il en fasse l'examen», a-t-il indiqué.

Visiblement agacé par la controverse entourant les FIER, le premier ministre a accusé l'opposition de dire «à peu près n'importe quoi dans ce dossier» et de «salir des réputations».