Le projet hydroélectrique de la Romaine, inauguré hier, servira autant à répondre à la demande américaine qu'à alimenter trains et autos électriques au Québec.

En matinée à Havre-Saint-Pierre, puis à Montréal en après-midi, le premier ministre, Jean Charest, s'est félicité du lancement des travaux du «plus grand chantier au Canada en 2009, de l'un des plus importants au monde».

Évalué à quelque 6,5 milliards de dollars, le futur complexe de la Romaine est un immense projet de quatre barrages et d'autant de centrales qui, à terme, fourniront une puissance globale de 1550 MW, soit l'équivalent de Manic-5.

Pour le gouvernement Charest, cette hydroélectricité nouvelle servira d'abord à répondre à la demande des Québécois, ensuite à l'exportation.

«La demande (énergétique) va être forte dans les prochaines années, elle le sera plus encore pour l'énergie renouvelable», a indiqué M. Charest. En témoigne la demande de renouvellement récemment déposée par le Vermont, dont l'entente avec le Québec vient bientôt à échéance, a-t-il ajouté.

Appétit

Une fois terminé dans 11 ans, le vaste complexe hydroélectrique situé non loin de Havre-Saint-Pierre permettra à Hydro-Québec d'accroître sa production annuelle de 8 TWh, ce qui l'aidera à répondre à l'appétit grandissant de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick ainsi que des États américains de la Nouvelle-Angleterre et de New York.

Bien que le chantier doive prendre fin en 2020, notons que les premiers kilowattheures seront disponibles dans environ cinq ans. La totalité de la production issue de la Romaine sera alors vendue à l'extérieur du Québec pour le restant de la durée des travaux, soit une demi-douzaine d'années.

Cela dit, le grand patron d'Hydro, Thierry Vandal, a confirmé que l'objectif premier du projet était de répondre à la demande québécoise. Il a ajouté qu'à elle seule, la production de la Romaine pourrait alimenter l'ensemble du parc automobile du Québec s'il devenait un jour électrique. À plus court terme, l'énergie disponible contribuera à l'électrification du transport en commun (train de banlieue, tramway, trolleybus, etc.).

«On commence avec le transport collectif, mais on croit également que du côté de la voiture comme telle, l'avenir est très prometteur», a-t-il affirmé.

Pour sa part, le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, a fait valoir l'importance des retombées économiques de ce projet pour la région de la Côte-Nord. Un discours bien reçu par les Innus de Natashquan ainsi que par certains élus de la région.

«Monsieur le premier ministre, vous nous donnez une belle occasion de nous prouver à nous-mêmes que la nation innue est capable de grandes réalisations», a lancé le chef, François Bellefleur.

«Nous attendons ce projet depuis près de 50 ans, a renchéri le maire de Havre-Saint-Pierre, Pierre Cormier. Avec le consensus régional qui s'est développé autour de ce projet, nous ne pouvons que nous réjouir de ce qui nous arrive.»

Opposition

S'écoulant du plateau laurentien au golfe du Saint-Laurent, la Romaine est l'une des dernières grandes rivières sauvages du Québec. Les écologistes, dont une bonne portion sont opposés au projet, ont fait savoir qu'ils poursuivraient leur lutte contre son aménagement.

L'Alliance Romaine, par exemple, a rappelé qu'une pétition de quelque 5500 signatures, déposée à l'Assemblée nationale, est restée lettre morte. «L'hydroélectricité à grande échelle est une chose du passé, a lancé Fran Bristow, porte-parole. Le Québec se doit d'améliorer son efficacité énergétique et de repenser son attitude destructrice envers son patrimoine naturel.»

Pour les environnementalistes, la Romaine est la 14e des 16 grandes rivières du Québec à être endommagés par des barrages hydroélectriques. Pour Hydro, il s'agit plutôt de la 74e rivière, sur les 4500 du Québec, à être exploitée.

Notons que M. Charest a présenté la Romaine, hier, comme un premier pas vers la construction éventuelle d'un autre projet sur la Côte-Nord, celui de Petit-Mécatina «qui est déjà sur la table à dessin».