Il y a un bogue majeur dans un vaste projet informatique du ministère de la Santé, révèle le vérificateur général du Québec. Le Dossier de santé du Québec (DSQ), qui vise l'informatisation des dossiers des patients, risque encore d'être retardé, et les coûts de ce projet augmenteront «fort probablement».

«Il va mal, le projet», a résumé Renaud Lachance en conférence de presse, hier. Dans son rapport, il dit «douter» que les échéanciers et les coûts seront respectés. «Quand on dit doute, c'est un mot poli pour dire qu'on doute fort, fort, fort. C'est ça que ça dit», a-t-il lancé.En 2006, Québec avait annoncé que le DSQ coûterait 563 millions de dollars - 260 millions provenant de Québec et 303 millions, d'Inforoute Santé du Canada. L'implantation devait se réaliser en quatre ans et 95 000 professionnels de la santé devaient utiliser ce nouvel outil.

Or, en avril dernier, Québec a reporté d'un an, en juin 2011, la date de fin du projet, le déploiement dans toutes les régions. Selon le vérificateur, malgré ce report, le risque que l'échéancier ne soit pas respecté «est élevé».

Qui plus est, «il y a un risque important que (les professionnels de la santé) n'adhèrent pas au DSQ». Dans plusieurs cas, médecins et pharmaciens préfèrent se concentrer sur la création de dossiers informatiques locaux des patients plutôt que de travailler à leur mise en réseau (par le biais du DSQ).

Le ministère de la Santé vise 5500 utilisateurs d'ici décembre 2010 pour «assurer la pérennité des investissements». Et actuellement, il ne prévoit que 37 000 utilisateurs ultérieurement - il n'y a pas d'échéancier précis dans ce cas -, presque trois fois moins que ce qui avait été annoncé en 2006.

Quant au budget de 563 millions de dollars, le risque de dépassement est très grand, selon le vérificateur général. Ce budget n'a pas été modifié depuis 2006. Les investissements préalables, d'abord évalués à 327 millions - ils n'ont jamais été révisés non plus -, ne sont même pas comptabilisés dans ce budget. Pas plus que les dépenses récurrentes pour l'exploitation et l'entretien des équipements, qui représentent environ 87 millions par an selon les experts. Le projet coûterait donc un milliard de dollars dans les faits.

Le Conseil des ministres n'a même pas un portrait «juste et à jour» du déroulement du projet, même s'il a demandé formellement d'être tenu informé. Des informations qui devaient lui être transmises - sur l'évaluation des risques, par exemple - ne l'ont jamais été.

L'an dernier, le vérificateur général avait formulé des recommandations au ministère de la Santé pour améliorer la gestion du DSQ. Or, sept des douze recommandations (58%) n'ont pas été mises en application, dont celle visant à s'assurer que tous les coûts ont été estimés.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, nie tout problème. «Actuellement, on a dépensé 145 millions de dollars, et, pour se rendre à terme dans quelques années, on devrait atteindre la somme d'environ 565 millions de dollars», a-t-il dit. «On est très inquiets du manque de sérieux avec lequel le ministre traite du dérapage financier que confirme le rapport du vérificateur général», a répliqué le critique péquiste en matière de santé, Bernard Drainville.