Depuis des mois, il répétait sans cesse: «On tourne en rond.» Il y a une semaine, il est allé annoncer à Pauline Marois qu'il voulait quitter la politique. Elle lui a demandé de rester, d'y réfléchir à nouveau durant le week-end.

Et lundi, le jour des élections complémentaires, le verdict des électeurs de Rivière-du-Loup n'était qu'une mauvaise nouvelle de plus pour la chef du PQ. François Legault, le meilleur compteur de l'équipe péquiste à l'Assemblée nationale, lui avait annoncé plus tôt que sa décision était irrévocable.

Ce départ porte un coup très dur à Pauline Marois. La chef péquiste devait déjà composer avec de bien mauvais sondages, et la défaite dans la circonscription de Rivière-du-Loup, pourtant totalement francophone. La démission du joueur étoile de Rousseau inquiétera davantage plusieurs députés, déjà perplexes devant l'ascendant de Mme Marois sur les troupes.

Selon les informations réunies merdredi auprès de proches de François Legault, le député de Rousseau réfléchissait depuis plusieurs semaines à ce départ. Il avait cru l'automne dernier qu'il saurait s'adapter à la vie de l'opposition, «mais c'est un gars qui aime mieux construire que critiquer tout le temps», a expliqué un proche.

Quelques députés, au cours des derniers jours, ont tenté de le convaincre de rester, conscients de l'impact de cette catastrophe politique sur l'ensemble du Parti québécois. François Legault a été à l'évidence le député péquiste le plus efficace depuis le début de l'année à l'Assemblée nationale. Il a tiré parti de la déroute financière de la Caisse de dépôt, torturé les nouveaux dirigeants de la Caisse en commission parlementaire. Puis, il a fait mal paraître le ministre des Finances, Raymond Bachand, dans le dossier des FIER, les fonds régionaux d'Investissement Québec.

Sa dernière sortie, sur la fin nécessaire des «vaches sacrées» de la société québécoise, avait mis dans l'embarras Pauline Marois. Des sources fiables indiquent que les dirigeants de l'ADQ ont testé son intérêt à prendre la succession de Mario Dumont il y a quelques semaines, sans succès.

«François Legault veut prendre un recul de la politique», a confié un proche. Aussi, pas question de supputer ses chances pour la direction du Bloc québécois, par exemple. Il compte prendre six mois voire un an en sabbatique auprès de sa femme et de ses deux fils au seuil de l'adolescence. Son seul projet est un voyage avec toute la famille en août prochain, probablement en Californie.

Par la suite, il compte revenir dans le secteur privé, dans des conseils d'administration, il pourrait même fonder sa propre entreprise.

Il y a près de 11 ans que l'ancien patron d'Air Transat avait fait le saut en politique, à l'instigation de Jean-François Lisée qui l'avait convaincu de frapper à la porte de Lucien Bouchard. Indépendant de fortune depuis la vente de ses actions de Transat, il était devenu immédiatement ministre en titre de l'Industrie - Bernard Landry, alors ministre plénipotentiaire de l'Économie, avait dû partager son fief. Par la suite, M. Legault est passé à l'Éducation, puis brièvement à la Santé avant les élections de 2003 où le PQ devait perdre le pouvoir.

Maintes fois, il avait songé à se lancer dans la course à la direction du PQ. La première, en 2001, au départ de Lucien Bouchard, il a jonglé un moment avec l'idée d'un «tandem» avec Pauline Marois pour se rallier rapidement à Bernard Landry, un geste qui a scié les jambes à la prétendante.

Pendant des années il a su cultiver autour de lui une bande de jeunes loups, prêts à l'appuyer au premier geste. C'était l'époque où il prenait un malin plaisir à prendre des distances, mesurées, des positions de Bernard Landry sur le plan de match pour la souveraineté. Legault a déçu ses disciples quand il leur a fait faux bond en 2005 lors du départ de Bernard Landry. Il a alors annoncé alors rapidement qu'il ne serait pas partant, pour des raisons familiales. Bon nombre de ses partisans se sont regroupés autour de Richard Legendre, sans succès.

À 52 ans, François Legault estime avoir fait le tour du jardin après 10 ans en politique. Jeudi, il refusera de commenter le parcours difficile du Parti québécois. Et, signale-t-on, il indiquera clairement qu'il n'a pas l'intention de commenter les faits et gestes de la vie politique, une fois qu'il en sera sorti. «Vous pouvez effacer ses numéros de téléphone de votre bottin», ironise-t-on.

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