Ils ont fait toutes les gaffes imaginables. Bien des ministres du gouvernement Charest se sont illustrés le printemps dernier par leur manque de flair politique, se sont laissé entraîner dans des controverses inutiles.

Pourtant, à l'issue d'une session très difficile pour le gouvernement, c'est le PQ et Pauline Marois qui sont dans le pétrin. Les problèmes de la chef péquiste étaient déjà nombreux. Ils se multiplient ce matin avec la démission de François Legault, de loin le meilleur marqueur du PQ depuis le début de l'année.

 

Les libéraux remontent dans les sondages. Jean Charest est devenu nettement plus populaire que Mme Marois. Le PLQ a été capable d'aller chercher un candidat-vedette comme Clément Gignac et, surtout, vient de l'emporter dans Rivière-du-Loup, une circonscription francophone, normalement un terreau fertile pour le Parti québécois.

Bien sûr, on peut choisir les réponses faciles, quelques semaines sont toujours une éternité en politique. Les élus passent vite de héros à zéro.

Et un classique: les élections générales sont encore loin.

Mais ces déconvenues, juste avant la saison des barbecues, doivent soulever beaucoup de réflexions au Parti québécois et dans l'entourage de Pauline Marois.

La période faste de l'opposition à l'Assemblée nationale, au printemps, le PQ la devait pour beaucoup à son critique aux Finances, François Legault, qui montait quotidiennement au créneau. Mais l'ancien patron d'Air Transat trouvait le temps bien long sur les banquettes de l'opposition. Il n'était pas un joueur d'équipe. Il a fait damner tous ses patrons, de Lucien Bouchard à André Boisclair en passant par Bernard Landry. Mais l'annonce de son départ ce matin est carrément une catastrophe pour Pauline Marois.

Il dira qu'il ne part pas pour revenir plus tard, et à son heure, en politique. Mais ces adieux pour mieux revenir dans le siège du conducteur deviennent la coutume au PQ. André Boisclair avait ouvert la voie. Pauline Marois l'a imité. Les militants péquistes auront désormais un «sauveur» dans le placard si les choses ne s'améliorent pas avec Mme Marois.

Pourtant, la chef péquiste était parvenue à obtenir il y a une semaine un chèque en blanc de ses militants. Même chez les plus orthodoxes, dans un rare moment d'harmonie, on a souscrit à une démarche passablement vague de récupération de compétences auprès du gouvernement fédéral. Dans le public déjà, l'idée de référendums sectoriels n'a pas suscité d'enthousiasme. Quand le fiduciaire de l'option souverainiste, Jacques Parizeau, s'est mêlé de la partie avec une blague très maladroite sur les «crises» nécessaires au progrès de la souveraineté , bien des points politiques accumulés par le PQ au printemps se sont envolés.

Du côté de Pauline Marois, on a vite fait porter le bonnet d'âne à M. Parizeau pour expliquer les déboires récents du parti. Mais cela n'explique pas pourquoi Jean Charest est parvenu à devancer nettement Mme Marois comme «meilleur premier ministre du Québec» aux yeux des électeurs.

Bolduc et Bachand éclopés

Coup d'oeil dans le rétroviseur: au début de l'année, le gouvernement Charest a un énorme squelette dans le placard. Les pertes de 40 milliards de dollars de la Caisse de dépôt et placement (CDP). Il ajoute la nomination maladroite de Michael Sabia, propulsé au volant au mépris d'un processus pourtant déterminé par la loi.

Monique Jérôme-Forget pensait démissionner à l'été. Mais elle ne pouvait prendre la pression politique du désastre de la CDP. Elle est partie en catastrophe, laissant le problème à son collègue Raymond Bachand.

Ce dernier a eu plus que sa part de difficultés. Le programme de développement régional d'Investissement Québec, les FIER, permet aux fonds en région de financer des entreprises de Montréal. Des libéraux bien connus tirent les ficelles. L'apparence de favoritisme et de laxisme sera difficile à dissiper. Pour la Caisse de dépôt comme pour les FIER, François Legault a facilement eu le dessus sur Raymond Bachand, ministre studieux, mais bien moins agile sur ses patins.

Autre éclopé au gouvernement: Yves Bolduc. Durement attaqué par le péquiste Bernard Drainville, le ministre de la Santé n'a, après trois semaines, toujours pas retrouvé son aplomb, personnellement atteint par la controverse autour des tests erratiques sur le cancer du sein.

Sa piètre performance à l'Assemblée nationale a fait prendre la mesure du départ d'un Philippe Couillard.

Sa volte-face prévisible désormais sur le recours aux PPP pour le CHUM fera plaisir aux médecins, et aux professionnels avides de contrats. Mais ce ne sera rien de bon pour sa crédibilité.

À l'Assemblée nationale, rien n'a fonctionné pour les libéraux. La force du PLQ révélée dans un sondage CROP en fin de session illustre bien l'impact limité de la joute dans «l'aquarium» du Parlement.

Bien des gaffes

Christine St-Pierre, à la Culture, s'est payé une querelle inutile avec le président de la SODEC, Jean-Guy Chaput. Après le congédiement de ce dernier, elle est forcée de l'embaucher à son propre ministère pour éviter une poursuite.

Aux Aînés, Marguerite Blais a été tournée en ridicule par sa critique péquiste, Lisette Lapointe. Québec paie des «clowns thérapeutiques» à des aînés qui manquent de services essentiels. George Lalande, président du conseil des aînés, lui fait la guerre publiquement.

Jacques Dupuis, responsable de la Sécurité publique, a transformé en gâchis la décision, populaire, du gouvernement d'accorder une enquête publique sur la mort de Fredy Villanueva. On accordera finalement des procureurs aux témoins sur le tard... ce qui reporte l'enquête à l'automne.

Curieusement le remaniement ministériel de cette semaine ne cherche pas à colmater les brèches apparues depuis le début de l'année. M. Charest avait un engagement à tenir auprès de Clément Gignac. Nathalie Normandeau voulait depuis longtemps quitter les Affaires municipales. Surtout, Laurent Lessard, devait quitter l'Agriculture, le seul ministère où un lobby, l'UPA, a le droit de vie ou de mort sur le titulaire.

En dépit de tous ces faux pas libéraux c'est Pauline Marois qui se retrouve sur la sellette ce matin. Elle n'a pu être suffisamment inspirante, rassembleuse, pour convaincre François Legault de rester. Elle aussi avait laissé tomber André Boisclair après sa défaite au leadership. Il est vrai que seulement un militant sur cinq l'avait appuyée. L'ascendant de Pauline Marois sur le PQ reste bien fragile.