Le gouvernement s'est retrouvé une nouvelle fois dans l'embarras, lundi, à cause de contrats d'asphaltage accordés à une entreprise dont le ministre du Travail, David Whissell, est copropriétaire.

Dans un reportage diffusé lundi, Radio-Canada a révélé que le ministère des Transports a attribué, sans appel d'offres, deux contrats totalisant plus de 800 000 $ à ABC Rive-Nord, une entreprise dans laquelle M. Whissell détient une participation de 20 pour cent.

L'un de ces contrats, d'une valeur de 564 000 $, portait sur la réfection de routes dans la circonscription d'Argenteuil, représentée par M. Whissell, à environ 70 km au nord de Montréal.

Selon les directives du Conseil du trésor, tous les contrats de plus de 100 000 $ sont soumis au processus d'appel d'offres.

Les partis de l'opposition ont dénoncé, lundi, les apparences de conflits d'intérêts tandis qu'un syndicat d'employés du ministère des Transports a estimé que ces attributions de contrats laissaient craindre un cas de favoritisme.

Le ministre délégué aux Transports, Norman MacMillan, s'est de son côté retranché derrière un haut fonctionnaire dépêché pour expliquer que toutes les règles avaient été respectées.

Au cours des derniers mois, le gouvernement s'est déjà retrouvé dans l'embarras à au moins deux reprises relativement aux activités d'asphaltage de M. Whissell, notamment parce que la valeur des contrats publics obtenus par ABC Rive-Nord a doublé depuis que le député d'Argenteuil a accédé au conseil des ministres, en 2007.

Son cas a nourri les attaques du Parti québécois, qui s'en est servi pour accuser M. Charest d'avoir assoupli les règles d'éthique afin que M. Whissell puisse conserver son entreprise tout en étant ministre, ce qui n'était pas possible auparavant.

Lundi, lors d'un point de presse à Montréal, la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a demandé à M. Whissell de choisir entre ses activités d'asphaltage et son poste de ministre.

«Que cette firme fasse affaire avec le gouvernement, ce n'est pas ça qui est dérangeant, a-t-elle dit. C'est le fait que ce soit la firme d'un ministre et le fait qu'il puisse y avoir, ne serait-ce qu'une apparence de conflit d'intérêts. C'est inacceptable.»

Selon Mme Marois, M. Charest doit resserrer les règles pour empêcher ce genre de situation.

La chef de l'Action démocratique du Québec, Sylvie Roy, a pour sa part jugé que l'octroi des deux contrats à ABC Rive-Nord n'était pas d'intérêt public.

«Il pourrait y avoir des motifs communautaires ou d'absence de compétition mais dans ce cas-là, on n'allègue rien qui peut supporter l'intérêt public, a-t-elle dit. Je pense que c'est plutôt l'intérêt du ministre.»

Alors que les parlementaires doivent étudier cet automne un projet de loi qui les soumettrait à un code d'éthique, Mme Roy a enjoint M. Charest à soumettre un texte qui empêchera ce genre de situations.

«Cet automne il va falloir qu'il fasse preuve d'une grande éthique et qu'il nous dise ce qu'il veut faire, a-t-elle dit. Parce qu'on ne peut pas prêcher la charité et ne pas la faire.»

Le sous-ministre adjoint Jacques Gagnon, responsable régional pour Montréal et l'ouest de la province au ministère des Transports, a affirmé que les règles d'attribution de contrats permettaient de mandater une entreprise directement.

Dans le cas du contrat d'asphaltage de 564 000 $ à ABC Rive-Nord, M. Gagnon a affirmé que la décision de procéder sans appel d'offres s'appuyait sur l'insuffisance de l'écart de prix.

Selon M. Gagnon, cet écart était de moins de cinq pour cent entre les entreprises concurrentes qui auraient pu être appelées à soumissionner.

«Le niveau de concurrence dans ce secteur-là nous permettait d'évaluer, et ç'a été à la discrétion de la direction territoriale du ministère, d'évaluer que le niveau de concurrence était insuffisant pour aller en appel d'offres», a-t-il dit.

Pour le contrat de 275 000 $, le ministère l'a accordé directement à ABC Rive-Nord à cause du court délai.

«C'est un contrat sur invitation, a-t-il dit. Ca aussi c'est une modalité d'octroi des contrats qui nous est autorisée par le Conseil du trésor. On peut y faire appel dans les cas où le temps presse.»

Selon M. Gagnon, sur les 1800 contrats d'asphaltage accordés l'an dernier par le ministère des Transports, totalisant plus de 2 milliards $, entre 250 et 300 l'ont été sans appel d'offres, pour un total de 120 millions $.

«Ce n'est pas beaucoup étant donné qu'on a accordé 1800 contrats», a-t-il dit.

Le Syndicat de la fonction publique du Québec, qui représente des employés du ministère des Transports, s'est indigné contre les apparences de favoritisme relativement à ABC Rive-Nord.

Lundi, la présidente générale du SFPQ, Lucie Martineau, a mis en doute les raisons invoquées par le ministère.

«Le seul intérêt que je vois, c'est l'intérêt de la compagnie de M. Whissell, a-t-elle dit. Ce n'est pas l'intérêt public.»