Maintenant qu'il a adopté, après avoir clos les débats, sa loi autorisant le retour aux déficits, le gouvernement Charest s'apprête à lancer une consultation sur les moyens visant à retrouver l'équilibre budgétaire. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, entend devancer à l'automne le début des traditionnelles consultations prébudgétaires. Ces consultations seront «élargies».

Voici la forme que prendra la «vaste consultation» promise en août par le premier ministre Jean Charest sur l'enjeu des finances publiques. Le gouvernement a décidé de faire une croix sur une grand-messe, un sommet à l'image de celui qu'avait tenu Lucien Bouchard en 1996 sur le déficit zéro.

 

Québec invitera plus de groupes sociaux qu'à l'habitude à participer aux consultations prébudgétaires. M. Bachand tiendrait quelques rencontres privées, mais il organiserait aussi des audiences publiques. Le ministre pourrait également se déplacer en région.

Un site internet sera créé afin d'offrir la possibilité aux citoyens de se prononcer sur les moyens de revenir à l'équilibre budgétaire. Cette mesure a déjà été utilisée par Monique Jérôme-Forget et Michel Audet dans le cadre de la préparation de leur budget.

Des prédécesseurs de M. Bachand, Yves Séguin et Michel Audet, ont déjà tenu quelques jours d'audiences publiques dans le cadre de leurs consultations prébudgétaires. Mais Québec veut un exercice plus large encore cette fois-ci.

Lors d'un entretien avec La Presse, hier, Raymond Bachand a fait part de sa volonté de lancer ses consultations prébudgétaires peu de temps après la publication de sa mise à jour économique, en octobre. Ces consultations ont généralement lieu en janvier et en février seulement.

Le ministre rendra public un document de réflexion sur le retour au déficit zéro, au coeur duquel se trouvera une hausse des tarifs des services publics. Il pourrait en profiter pour proposer une hausse de la TVQ dès janvier, une option qu'il envisage si la reprise économique se confirme.

Après avoir étudié les positions exprimées pendant les consultations qui dureraient jusqu'en février, le ministre dévoilera dans son budget, au printemps, les mesures choisies par le gouvernement pour sortir du trou budgétaire.

Hier, comme prévu, le gouvernement Charest a forcé l'adoption du projet de loi 40 en imposant la clôture des débats - mesure communément appelée le bâillon. Cette loi suspend certaines dispositions de la loi antidéficit pour que le gouvernement ne soit pas contraint d'équilibrer ses budgets pendant quatre ans. Québec prévoit des déficits de plus de 11 milliards de dollars, dont 3,9 milliards cette année. Le retour à l'équilibre budgétaire est prévu en 2013-2014, une échéance inscrite dans le projet de loi 40.

Quelques instants avant le début de la séance extraordinaire de l'Assemblée nationale, Jean Charest a plaidé qu'il ne pouvait faire autrement que de procéder à la clôture des débats pour adopter le projet de loi 40. «Le Parti québécois avait déjà dit que jamais il n'adopterait le projet de loi. Ils sont passés aux actes, et ils ont fait de l'obstruction. Alors il faut assumer nos responsabilités. Ce sont les intérêts supérieurs du Québec qui sont en jeu», a-t-il expliqué aux journalistes.

De son côté, Raymond Bachand a affirmé que «ne pas suspendre la Loi sur l'équilibre budgétaire, ça veut dire qu'il faut compenser ça, il faut augmenter les impôts et surtout réduire les services publics».

«On l'a dit aux Québécois: on va maintenir les services publics», a-t-il ajouté, laissant planer la possibilité d'augmenter les impôts. En août, questionné sur le sujet, le premier ministre Jean Charest s'était contenté de dire que son «objectif» est de maintenir le fardeau fiscal des Québécois «le plus près possible de la moyenne canadienne». Rappelons que toutes les provinces sont dans le rouge et pourraient augmenter leurs impôts.

Pour le moment, seulement une partie du plan visant le retour à l'équilibre budgétaire est connue. Québec entend augmenter la TVQ en 2011, indexer les tarifs des services publics, limiter la croissance des dépenses à 3,2% par année et lutter davantage contre l'évasion fiscale.

Le Parti québécois et l'Action démocratique du Québec refusaient de donner leur aval au projet de loi 40 car ils voulaient d'abord que le gouvernement dévoile toutes les mesures qu'il entend prendre pour retrouver l'équilibre budgétaire.

«C'est le retour à l'arrogance libérale auquel nous assistons, a lancé la chef péquiste Pauline Marois. Pourquoi nous imposer un bâillon? Pourquoi veut-il un chèque en blanc? Est-ce que c'est parce que le premier ministre veut cacher les vrais chiffres aux Québécois?»

Jean Charest a rétorqué que le gouvernement avait déjà dévoilé une partie des mesures qu'il mettra en oeuvre pour revenir au déficit zéro, ce qu'«aucun autre gouvernement dans le monde» n'avait fait à sa connaissance.

Le député péquiste du Richelieu, Sylvain Simard, a fait crouler de rire ses collègues en rappelant que le libéral Jacques Chagnon avait proposé en 1996, lors de l'étude de la loi antidéficit, que les salaires des ministres soient réduits de 20% à 40% advenant un déficit. Le gouvernement péquiste avait rejeté cette option, et le Parti libéral n'en a plus parlé depuis. «À l'époque, je trouvais ça loufoque, mais, avoir su, j'aurais voté en faveur», a lancé M. Simard.