Les deux groupes ont gagné leur partie de bras de fer avec le gouvernement Charest, qui annoncera bientôt des dédommagements dans le cadre de ce contrat.

Selon l'information qu'a recueillie La Presse, la décision commune des deux groupes de ne pas préparer leur soumission tant que n'est pas réglé un litige avec Québec aura un impact direct sur l'échéancier du projet.

Choisis en mars dernier, le groupe Innisfree-Axor-OHL-Dakia et Accès Santé, le concurrent dirigé par la firme espagnole Acciona avec l'appui des firmes Pomerleau et Verreault-Dessau, avaient un an pour présenter leur soumission.

Or, cette date butoir de mars 2010 s'est volatilisée, confient ceux qui, au gouvernement, ont le mandat de suivre ce projet. C'est tout l'échéancier qui vient de voler en éclats. Pas question de choisir le consortium gagnant en juin 2010 et de lever la fameuse première pelletée de terre en septembre l'an prochain. Le projet devait coûter 1,8 milliard de dollars, mais atteindra 2,5 milliards en tenant compte de l'inflation et des imprévus à la toute fin du projet, en 2018. Les nouveaux retards gonfleront encore la facture.

Depuis le mois de mars, les deux consortiums n'ont pas fait avancer le projet parce qu'ils exigeaient du gouvernement de meilleures garanties pour le groupe qui éventuellement «perdrait» le concours. Après des mois de silence, le gouvernement s'apprête à obtempérer aux demandes. Le «perdant» pourra compter sur une indemnité d'environ 14 millions de dollars.

Cette somme doit compenser les frais engagés afin de préparer ces soumissions extraordinairement complexes. Préparer l'ingénierie préliminaire pour un projet si complexe représente une facture importante puisque, forcés de présenter des prix fermes, les consortiums doivent préparer des plans détaillés.

Aussi, si Québec choisit de ne pas poursuivre le projet en partenariat avec l'entreprise privée, les deux groupes seraient également dédommagés.

Depuis le printemps, les deux groupes attendent un signe d'un gouvernement «qui ne disait ni oui ni non». Québec, un moment, avait proposé 8 millions comme prix de consolation, une indemnité jugée insuffisante par les deux groupes.

Dans l'industrie, à Montréal, on ne cache pas que, devant les tergiversations du gouvernement Charest, le projet du CHUM a été laissé sur le carreau. L'activité est intense depuis plusieurs mois pour les constructeurs de grands projets. Les deux groupes ont vite choisi d'affecter leurs équipes à des chantiers précis, des contrats sûrs, plutôt qu'à la conception d'un CHUM qui semble toujours hypothétique.

Même si les deux groupes donnaient aujourd'hui le feu vert à leurs équipes, il faudrait compter quelques semaines pour que tous les professionnels puissent accorder leurs violons.

Pourchassé hier dans les couloirs de l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, s'est contenté de sourire aux questions de La Presse. En Chambre, attaqué par le député péquiste Sylvain Simard, M. Bolduc s'est bien gardé de dire si Québec allait réaliser en partenariat avec l'entreprise privée cet hôpital annoncé depuis 11 ans maintenant. «Le CHUM et le CSUM sont bien alignés. Actuellement, on travaille sur les plans ; par la suite, il va y avoir des propositions. Le mode de réalisation, c'est un moyen. La finalité, elle, demeure la même. Le projet va se faire et dans quelques années on va avoir un CHUM», s'est contenté de dire le ministre.

Toujours en PPP

À Québec, dans les coulisses, on indique que le gouvernement reste bien déterminé à construire l'hôpital universitaire francophone en partenariat public-privé (PPP).

La semaine dernière le quotidien The Gazette a révélé que le gouvernement envisageait de recourir au «plan B» évoqué par Jean Charest le printemps dernier et de tout ramener en mode traditionnel, le processus utilisé avant la mode des PPP arrivée avec le gouvernement Charest, en 2003.

Changer de cap ferait perdre la face au gouvernement Charest. Au surplus, il faudrait repartir à zéro - des années de délais supplémentaires. Il est impossible d'évaluer en dollars le coût d'un retour au mode traditionnel, «et actuellement il n'y a pas beaucoup d'argent qui traîne dans les tiroirs».

Des dizaines de millions dépensés en travaux préparatoires par la SICHUM seraient définitivement perdus. Déjà, Québec a englouti une trentaine de millions de dollars en pure perte dans le projet du CHUM au 6000, rue Saint-Denis.

Autre pépin (marginal) pour l'hôpital, qui a déjà eu sa part de déboires : le nouveau patron, le Français

Christian Peyre, ne sera pas à Montréal fin septembre, comme on l'avait annoncé à sa nomination. Des questions familiales le forcent à rester en France pour l'instant et il n'entrera pas en poste avant la fin octobre, voire le mois de novembre.