Libérée l'an dernier après un long calvaire aux mains de la guérilla colombienne, Ingrid Betancourt est venue exprimer, mercredi, toute sa gratitude envers les Québécois.

«Si je suis là, c'est grâce à vous», a dit la femme de 47 ans, émue, la voix fragile, lors d'une allocution prononcée au Salon rouge de l'Assemblée nationale.

En déposant une pétition en sa faveur, en juin 2002, l'Assemblée nationale du Québec a initié un élan déterminant, a relaté Mme Betancourt, qui a été prisonnière des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pendant six ans et demi.

Peu à peu, dans le sillon du Québec, le monde s'est mobilisé pour la libération des otages, a fait valoir l'ex-candidate aux élections présidentielles de Colombie.

«Vous avez été les premiers, les précurseurs dans la lutte pour la libération des otages. Il y a eu le Québec, puis la Belgique, ensuite la France, l'Europe, le monde et enfin la Colombie», a-t-elle raconté.

Mme Betancourt a été accueillie au Québec avec des égards réservés aux grands de ce monde.

Tour à tour, les leaders de l'opposition, de même que le premier ministre Jean Charest ont souligné «le courage» incarné par la politicienne franco-colombienne.

Parfois, les hommages rendus prenaient une teinte quasi mystique ou religieuse. Ainsi, pour la chef par intérim de l'Action démocratique, Sylvie Roy, Ingrid Betancourt n'est rien de moins qu'«un être de chair et de lumière».

Plus réservé, le premier ministre Charest a soutenu que «le monde» avait besoin de gens qui luttent sans relâche pour la liberté comme Ingrid Betancourt.

Pour sa part, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a dit être enchantée «en tant que femme» de rencontrer une personne dont le cheminement prouve qu'il est possible de surmonter les difficultés.

Vêtue d'une robe cache-coeur chic mais sobre, Mme Betancourt a reçu la médaille d'honneur de l'Assemblée nationale des mains du président, Yvon Vallières. Elle a quitté le parlement peu après midi pour livrer un témoignage devant les invités de la Société des relations internationales de Québec, au Château Frontenac.

La militante des droits de l'Homme connaît bien l'auguste hôtel de la capitale pour y avoir déjà séjourné, en vacances.

«Je suis une Canadienne de coeur. J'ai parcouru votre pays, j'y ai fait du camping. Je suis tombée amoureuse, ici, du père de mes enfants», a-t-elle révélé avec candeur.

L'ex-sénatrice est consciente d'être devenue un symbole de courage et de survie depuis sa libération spectaculaire, le 2 juillet 2008, par un commando de l'armée colombienne.

Mais le combat n'est pas terminé pour autant. Les Québécois, a-t-elle dit, doivent poursuivre la lutte au nom de ses 24 camarades d'infortune toujours captifs dans la jungle.

«Certains ont 11 ans de captivité aux mains des FARC. (...) C'est très dur. On ne peut pas les laisser là, mais ils n'intéressent personne, aucune porte ne s'ouvre pour eux. J'ai beau être un symbole, j'ai besoin de votre aide», a-t-elle lancé.

Ingrid Betancourt est un personnage autant adulé que controversé.

Dans un ouvrage récent, trois Américains otages des FARC pendant plus de cinq ans dressent un portrait peu flatteur de l'ex-politicienne.

Les auteurs la décrivent comme «égoïste, hautaine, dangereuse (et) arrogante».

L'ex-otage n'a pas cherché mercredi à dissimuler son côté sombre.

Pendant sa captivité, il lui arrivait de voir des choses «laides», comme «l'égoïsme» et la «couardise».

«Et je ne l'ai pas vu chez les autres, je l'ai vu en moi», a-t-elle avoué.