Avec une courte majorité de deux voix sur Éric Caire, Gilles Taillon a remporté, dimanche, la course à la direction de l'ADQ, un résultat qui provoque déjà des déchirements au sein du parti. À peine 29% des membres ont participé par téléphone à l'élection du successeur de Mario Dumont.

Les 250 militants réunis à Québec pour le congrès à la direction sont restés abasourdis lorsque le président du comité électoral, Pierre Éloi Talbot, a révélé le taux de participation puis le score du vainqueur, 50,03 %. Les partisans de Gilles Taillon ont explosé de joie en apprenant la victoire de leur favori.

«Vous aurez compris que cette victoire-là, je l'accepte avec d'autant plus d'humilité que la course a été exceptionnellement serrée», a lancé M. Taillon dans son tout premier discours à titre de chef de l'ADQ. «Nous allons devoir travailler ensemble, Christian, Éric et moi, l'équipe parlementaire et l'ensemble des gens pour que l'ADQ rayonne.»

Caire déçu, mais se rallie

Éric Caire affichait une mine déconfite en rencontrant la presse. «C'est difficile, c'est difficile...» a-t-il laissé tomber, la gorge nouée par l'émotion. «Ç'a passé proche. Mais passer proche, ça ne compte pas. J'ai concédé la victoire, que ce soit par 2 votes ou 150.» Le député de La Peltrie s'est rallié au nouveau chef et a invité tous les militants à faire de même.

Mais deux de ses partisans, les ex-députés Catherine Morissette et François Benjamin (coprésident de sa campagne), ont décidé de claquer la porte du parti dès l'annonce de la victoire de M. Taillon. «Je ne me reconnais pas en ce gars-là», a tranché M. Benjamin, qui songe à retourner au Parti québécois.

«J'espère bien que les quelques départs soient compensés par beaucoup d'arrivées», a réagi Gilles Taillon, insistant sur la décision de MM. Caire et Lévesque de se rallier.

Éric Caire n'entend pas contester les résultats, «à moins qu'on se rende compte d'une fraude orchestrée et majeure». Or, des incidents sont survenus lors du scrutin téléphonique. M. Caire a reconnu lui-même que l'un de ses bénévoles a obtenu les NIP de deux membres. Le bénévole les a utilisés pour voter en faveur de M. Caire à deux reprises alors que ce n'était pas le premier choix des militants concernés.

L'Infoman Jean-René Dufort, qui était présent au congrès à la direction, a tenté de déjouer le scrutin téléphonique de l'ADQ mais il a refusé de dire si l'opération a été un succès. Lors de la course à la direction du PQ, en 2005, il avait inscrit un chihuahua, une plante verte et une fillette de 3 ans comme membres du parti et avait fait enregistrer leur vote.

Deuxième tour déterminant

Seulement 3912 militants - sur environ 13 600 - ont exercé leur droit de vote et exprimé au téléphone un premier, puis un second choix. À l'issue du premier tour, Éric Caire (41,69% ; 1631 votes) devançait Gilles Taillon (40,16 % ; 1571 votes) et Christian Lévesque (18,15% ; 710 votes). Comme aucun candidat n'a obtenu une majorité absolue, M. Lévesque a été écarté, et les deuxièmes choix de ses 710 partisans ont été utilisés pour déclarer un vainqueur. C'est alors que le vent a tourné en faveur de M. Taillon (1957 votes contre 1955 pour M. Caire au deuxième tour).

Gilles Taillon a défendu la légitimité de son leadership lors d'un point de presse. Élu avec une majorité aussi mince, il dit avoir «l'obligation de travailler en équipe». L'ex-député de Chauveau entend exercer un «leadership de collaboration». Il rencontrera le caucus des députés adéquistes demain et nommera un chef parlementaire la semaine prochaine. Il pourrait désigner le coprésident de sa campagne, le député de Shefford, François Bonnardel.

Traitements de radiothérapie

Gilles Taillon patientera avant de faire son entrée à l'Assemblée nationale. L'homme de 64 ans doit subir des traitements de radiothérapie jusqu'en décembre en raison d'une récidive d'un cancer de la prostate. Il entend ensuite consacrer ses efforts à «reconstruire» le parti pendant «un an, un an et demi». Puis, si une circonscription se libère dans sa région, l'Outaouais, ou à proximité, il briguera les suffrages lors d'une élection partielle. Il a déterminé qu'Argenteuil était un «bon comté» pour lui. Au moment de démissionner de son poste de ministre, le libéral David Whissel avait dit rester député d'Argenteuil «pour le moment».

Bien des militants adéquistes étaient déçus du faible taux de participation au scrutin téléphonique et tiennent la querelle entre MM. Caire et Taillon responsable de cette démobilisation. Une participation de 3900 militants, «c'est beaucoup mieux qu'un congrès à la direction où 500 ou 800 délégués votent pour un chef», a réagi M. Taillon.