Gilles Taillon a échoué. Il avait «un devoir d'unité» à remplir après avoir remporté la victoire «presque par hasard» au terme d'une campagne très acrimonieuse pour la direction de l'ADQ.

«Il y avait un devoir d'unité dans le parti avec une marge aussi petite. Il l'avait emporté par deux votes. Cela n'a pas été réussi. Le devoir d'unité a été un échec, deux députés sont partis. Et Gilles Taillon a fait la seule chose honorable qu'il lui restait: laisser la place».

 

Mario Dumont n'a pas été tendre, hier, à son émission de fin d'après-midi au canal V.

Dans un entretien accordé à La Presse, l'ancien chef avoue ne pas savoir pourquoi Gilles Taillon a mis en doute l'intégrité du financement de l'ADQ. En point de presse, M. Taillon avait soutenu «avoir découvert certains aspects un peu troublants dans la gestion des finances, du financement du parti depuis 2003». Surtout, il a l'intention «de probablement demander une rencontre avec les autorités de la Sûreté du Québec, qui actuellement enquête dans les affaires que vous savez», a dit M. Taillon sans vouloir donner davantage d'explications. Selon François Bonnardel, député de Shefford et chef parlementaire, M. Taillon avait fait allusion à son intention de saisir la Sûreté du Québec de ce dossier, lors d'une rencontre avec les quatre députés adéquistes en matinée. Mais le chef contesté n'a pas voulu en dire plus en huis clos qu'en public.

Mais selon un employé politique, jamais M. Taillon n'a prévenu les députés qu'il comptait dévoiler cette affaire en conférence de presse.

Cette sortie est «un geste spectaculaire d'autodestruction», a commenté à chaud Mario Dumont. Habituellement «logique et stratégique», M. Taillon semble cette fois avoir pété les plombs et «donné un coup de couteau dans son canot gonflable». «C'est un homme blessé», a résumé l'ancien chef, rappelant la cascade de controverses qui ont marqué le parcours de l'ancien président du Conseil du patronat depuis qu'il est entré en politique.

Au comité de direction de l'ADQ, on est bien perplexe. Gilles Taillon lance cette grenade au moment où, jour après jour, l'ADQ réclame une enquête publique sur les problèmes d'intégrité dans le secteur de la construction. En plaçant ainsi son parti sous les projecteurs, M. Taillon vient de bâillonner son aile parlementaire. Hier déjà, le leader parlementaire libéral, Jacques Dupuis, avait bien vu la faille et exhorté les adéquistes à faire le ménage chez eux plutôt que de réclamer des enquêtes de police.

Cités en exemple

Pour Mario Dumont, les allégations de M. Taillon contredisent les faits: «On a été cités en exemple par le Directeur général des élections, nos rapports étaient pour lui des exemples de transparence», dit-il.

«Qu'il y aille, voir la police, tout a été fait selon les règles de l'art», renchérit Jean-Simon Venne, longtemps permanent de l'ADQ (il a organisé les campagnes électorales de 2003, 2007 et 2008).

L'ADQ s'était retrouvée sur la sellette au début des années 2000 pour son manque de rigueur dans le contrôle de ses dépenses durant la campagne de 1998. Des accusations avaient été portées contre des dirigeants de l'ADQ qui avaient gonflé artificiellement des dépenses de campagne afin de s'en faire rembourser davantage par les fonds publics. Ces dirigeants avaient plaidé coupable. L'ADQ avait alors remplacé son directeur général, Jacques Hébert, par Claudette Carrier.

«J'étais directrice en 2003, je ne sais pas du tout de quoi parle M. Taillon. Les individus peuvent donner 3000$ par année et c'est vérifié par le Directeur général des élections», a lancé Mme Carrier.

Depuis des années, Léo Housakos est responsable des campagnes de financement de l'ADQ et des conservateurs au Québec. Il a été nommé sénateur par Stephen Harper, et ses interventions en faveur de bailleurs de fonds à Ottawa ont plus d'une fois soulevé la controverse aux Communes. Des permanents de l'ADQ se souviennent aussi de rentrées d'argent importantes et subites dans les coffres du jeune parti quand il avait été propulsé au sommet des sondages, à l'automne 2002.