Gilles Taillon serait forcé de quitter la barre de l'ADQ plus tôt qu'il ne le souhaite. À l'interne, on envisage sérieusement de lui montrer la porte dans les prochains jours. Une lettre dans laquelle M. Taillon accuse Mario Dumont, Éric Caire et son probable successeur, Gérard Deltell, d'avoir «sapé» son leadership a fait déborder le vase.

Pour Gilles Taillon, cette «bisbille orchestrée», ce putsch, visait à préserver une «alliance» entre l'ADQ et le Parti conservateur du Canada à laquelle il voulait mettre fin.

Mardi, M. Taillon a annoncé qu'il quittera la direction de l'ADQ une fois que son remplaçant sera élu au suffrage universel des membres, ce qui implique un délai de plusieurs mois. Ce souhait ne se réalisera pas, selon le scénario qui circule au sein du parti. Une réunion du comité exécutif, prévue mercredi, sera devancée à demain ou à samedi afin de discuter de la succession. À l'interne, on estime que M. Taillon ne peut «s'accrocher», rester à la tête du parti plus longtemps.

Le chef parlementaire et membre du comité exécutif, François Bonnardel, qui a coprésidé la campagne de M. Taillon, souhaite une succession rapide. Il ne tient pas à une course au leadership comme le veut M. Taillon.

Le député de Chauveau, Gérard Deltell, qui se montre très intéressé par la direction de l'ADQ, annoncera officiellement ses intentions dans les prochains jours. Il est lui aussi membre du comité exécutif. Les fondateurs de l'ADQ, Mario Dumont et Jean Allaire, de même que d'autres ténors adéquistes, se sont prononcés en faveur de son couronnement. D'autres appuis se manifesteront bientôt.

Dans une lettre envoyée aux médias mercredi et intitulée «Les masques sont tombés», Gilles Taillon règle ses comptes. Il se dit victime d'un putsch organisé par les «anciens propriétaires» du parti, dont Mario Dumont, dans le but de protéger une alliance entre l'ADQ et le Parti conservateur. Gérard Deltell et Éric Caire ont eux aussi fait un «travail de sape», accuse-t-il.

Selon lui, les problèmes ont commencé peu de temps après l'annonce de sa candidature, le 24 avril, lorsqu'il a annoncé son intention de prendre ses distances du Parti conservateur s'il était élu chef. «J'ai senti un certain malaise au sein de l'ancien establishment du parti, dit-il. Cette prise de position publique sur la nécessaire autonomie de l'ADQ, vis-à-vis les partis politiques fédéraux, m'a valu plusieurs réprimandes de membres influents du parti.» Il a rencontré le sénateur conservateur Léo Housakos, responsable des campagnes de financement de l'ADQ pendant des années, pour lui expliquer sa prise de position.

«Je comprends aujourd'hui, avec les sorties publiques des anciens "propriétaires" du parti, Mario Dumont en tête, que mon élection à la tête de l'ADQ signifiait pour ces gens la fin d'une alliance intouchable», ajoute-t-il.

«À partir de ce moment, Gilles Taillon ne pouvait plus demeurer à la tête de l'ADQ, et ce, malgré le choix démocratique des militants. Le travail de sape a alors commencé et n'a jamais cessé depuis. Je vous laisse le soin de juger les événements des derniers jours et du rôle qu'ont joué Éric Caire et Gérard Deltell.» Il parle ensuite d'une «bisbille orchestrée».

En 2008, lorsque la dispute avait éclatée au sein du comité exécutif adéquiste de Chauveau, M. Taillon, alors député de cette circonscription, s'était aussi dit victime d'un complot, cette fois orchestré par les libéraux.

Dans sa lettre, Gilles Taillon confirme avoir demandé aux autorités policières de «faire la lumière» sur des «éléments troublants concernant le financement du parti dans les années antérieures». Il «souhaite ardemment» demeurer chef jusqu'à l'élection de son successeur, car «les militants méritent cette marque de respect».

Mario Dumont balaie d'un revers de main les accusations de M. Taillon. «On comprend qu'il vit cette semaine un échec difficile. Maintenant, je ne pense pas qu'il faut chercher un complot si savamment orchestré», a-t-il affirmé à son émission quotidienne, sur les ondes de V.

Par l'intermédiaire d'un porte-parole, Léo Housakos a fait savoir qu'il a toujours mené les campagnes de financement «by the book», en respectant les règles. Selon lui, M. Taillon «voit un complot où il n'y en a pas».

De son côté, Gérard Deltell a nié avoir fait un «travail de sape». «Celle-là, je ne la comprends pas !» a-t-il lancé.