Loin de céder aux pressions et de vouloir quitter la barre de l'ADQ dès maintenant, Gilles Taillon a l'intention de rencontrer mardi les quatre députés de son parti. Y compris son successeur probable, Gérard Deltell, qu'il a accusé d'avoir «sapé» son leadership. Cette nouvelle a causé la surprise dans l'équipe parlementaire.

«Tant que je suis chef, je vais agir comme chef. Ça, c'est bien évident», a lancé M. Taillon dans un bref entretien avec La Presse, jeudi. Il est resté muet au sujet des «aspects un peu troublants» qu'il a découverts dans le financement du parti depuis 2003 et qui l'ont mené à appeler la Sûreté du Québec. Il rencontrera un enquêteur dans les prochains jours.À la suite de son passage à Tout le monde en parle, le 25 octobre, il affirme que des gens lui ont téléphoné pour lui faire des confidences au sujet du financement de l'ADQ. «Je ne peux pas garder ça pour moi. La Sûreté du Québec fera une enquête si elle le juge opportun. Moi, je fais mon devoir. Et ça n'a aucun lien avec mon départ. Je l'aurais fait de toute façon», a-t-il expliqué.

Malgré les pressions, M. Taillon n'entend toujours pas quitter son poste avant que son remplaçant soit élu au suffrage universel des membres, dans plusieurs mois. «C'est par respect pour les 2000 militants qui ont voté pour moi et qui ont travaillé pour ma campagne. Je veux que ça se fasse correctement. Je n'ai pas volé, je n'ai pas tué, je n'ai engueulé personne.»

La réunion au cours de laquelle le comité de direction doit discuter de la succession de M. Taillon est prévue mercredi, mais l'idée de la devancer circule toujours.

Gilles Taillon se rendra à Québec la semaine prochaine, et pas seulement pour subir un traitement de radiothérapie en raison de son cancer de la prostate. «Je vais passer à l'Assemblée nationale et donner un coup de main», a-t-il affirmé. Il rencontrera le caucus pour «aligner les actions touchant le rôle de deuxième opposition».

Se sent-il toujours le bienvenu? «Je n'ai pas senti que j'étais malvenu. Pas du tout. Mais je ne m'imposerai pas. Si les gens ne veulent pas me voir, ils me le diront. Je suis un homme très poli.»

Informée des intentions de M. Taillon, l'équipe parlementaire, qui ne s'attendait pas à un tel rebondissement, n'a pas voulu faire de commentaires. Les employés politiques militent pour la nomination de Gérard Deltell et viennent de créer un groupe sur Facebook.

Gilles Taillon décrit comme un «testament politique» la lettre qu'il a envoyée mercredi aux médias et dans laquelle il se dit victime d'un complot. Il accuse Mario Dumont d'avoir orchestré un putsch pour préserver entre l'ADQ et le Parti conservateur une «alliance» à laquelle il voulait mettre fin. Selon lui, Gérard Deltell et Éric Caire ont fait un «travail de sape».

«J'ai été attaqué et j'ai réagi. C'est mon habitude. Je ne laisse jamais passer les affaires, et je ne m'écrase pas dans un coin», a affirmé M. Taillon, qui nie vouloir détruire le parti.

Il n'a pas voulu en dire plus sur ce qu'il considère comme une «bisbille orchestrée». «Je ne veux pas jeter d'huile sur le feu», a-t-il dit.

Le député de Shefford, François Bonnardel, qui a coprésidé la campagne de M. Taillon, désapprouve la sortie du chef démissionnaire. Et selon lui, il n'y a pas eu de complot. «Je n'ai pas d'information qui m'indique ça», a-t-il affirmé. «M. Taillon, je l'ai aidé dans sa campagne. J'ai été fidèle jusqu'au bout. Maintenant, je ne dis pas que je cautionne tout ça», a ajouté le chef parlementaire. M. Taillon ne l'a pas informé avant d'envoyer la lettre aux médias. «Je n'ai pas eu la chance de parler à M. Taillon plus longuement sur le sujet. Je vais prendre quelques jours pour être capable de lui parler.»

De toute évidence, François Bonnardel est ébranlé par les récents événements. Défend-il toujours M. Taillon? «Absolument», a-t-il répondu avant de nuancer: «Je ne peux pas dire demain matin que je tape sur la tête du chef qui a été l'homme avec lequel j'ai travaillé depuis 12 mois. On verra pour la suite des choses. Si M. Taillon a des indications selon lesquelles il y a eu complot, il devra le faire valoir dans les prochains jours.» François Bonnardel souhaite une succession rapide et est prêt à se rallier.

De passage au parlement, l'ex-députée Linda Lapointe, qui a présidé avec M. Bonnardel la campagne de Gilles Taillon, a affirmé: «Depuis une semaine, l'ensemble de ceux qui ont pris la place publique ont oublié l'intérêt supérieur du parti.» La vice-présidente du comité de direction veut que les membres votent pour le prochain chef.