Jacques Parizeau persiste et signe: l'indépendance - l'ancien premier ministre refuse de jouer avec les mots - demeure toujours aussi nécessaire en raison de la mondialisation.

Dans son dernier livre intitulé La Souveraineté du Québec: Hier, aujourd'hui et demain, publié chez Michel Brûlé et lancé ce lundi, M. Parizeau reprend le bâton du pèlerin pour parler du sujet qui lui tient le plus à coeur.

Mais si le leader souverainiste retrempe la plume dans l'encrier, c'est parce que si le personnel politique s'est renouvelé au cours des récentes années, «on ne peut pas en dire autant des idées».

Ce ne sont pas des mémoires, mais un essai sur sa vision d'un Québec souverain. Il y a bien sûr quelques retours sur le passé pour rappeler les contextes référendaires de 1980, 1992 et 1995. Il y a aussi quelques passages sur l'Histoire plus récente pour formuler des regrets sur la décision de la Caisse de n'avoir jamais investi dans la Banque Nationale et sur la vente de la Bourse de Montréal à sa concurrente de Toronto, pour reprocher aux «lucides» leur alarmisme ou dénoncer la décision fédérale de porter à 20% le plafond des actions d'une banque à charte que peut détenir un seul actionnaire.

Il préfère réserver sa prose aux grands enjeux économiques. La mondialisation et les organismes internationaux comme l'OMC rendent l'indépendance nécessaire encore plus qu'auparavant, non seulement parce que seul l'État peut protéger ses citoyens, mais aussi parce qu'elle compromet l'avenir des fédérations existantes.

Il va jusqu'à retourner un des arguments des fédéralistes en affirmant que «rester au Canada, c'est cela qui est un repli sur soi-même».

D'autres facteurs, comme la sempiternelle question de la concurrence féroce entre les gouvernements canadien et québécois, nuisent au développement du Québec.

Selon M. Parizeau - faut-il s'en étonner? - un Québec indépendant est viable. Pour lui, l'endettement réel et le vieillissement de la population ne sont pas des obstacles incontournables. Au chapitre de la dette, le Québec se situe dans la moyenne de l'OCDE même si la performance canadienne était (au moment de la rédaction du livre) nettement supérieure.

Quant à la question de l'intégrité du territoire, l'ancien premier ministre rappelle qu'un comité formé de prestigieux professeurs provenant d'universités internationales avait conclu que les limites d'un Québec indépendant seraient celles qui existent présentement.

Mais l'auteur n'est pas uniquement préoccupé par des questions financières. M. Parizeau consacre aussi des chapitres à quoi ressemblerait un Québec indépendant sur un plan constitutionnel, politique, économique ou environnemental. Des idées intéressantes, par exemple un système électoral proportionnel à l'allemande, mais comme il en convient lui-même, ces questions concerneraient une assemblée constituante et un futur gouvernement élu.

M. Parizeau est foncièrement optimiste. Selon lui, les Québécois auront encore l'occasion de se prononcer sur leur avenir. Mais en attendant, il constate une certaine ambivalence dans l'opinion publique. Mais dans un même souffle, il juge l'électorat sage: puisque le gouvernent québécois cherche son salut dans la réforme du fédéralisme, la population suit.

C'est la raison, selon lui, pour laquelle «il faut accroître la crédibilité du projet et cela n'est possible qu'en rendant le projet plus pertinent». C'est donc qu'il ne l'était plus? La faute à qui?

M. Parizeau ne répond pas directement à cette question, voulant se limiter aux seuls débats d'idée, préférant abandonner les querelles de personnes.

Le «Quoi» et le «Pourquoi» nourrissent sa réflexion. Le «Comment » (à l'exception de la reconnaissance internationale d'un nouvel État québécois) et la marmite référendaire et électorale ne l'intéressent guère. D'ailleurs, les mots «Parti québécois» ne figurent dans cet essai qu'à titre référentiel, comme si M. Parizeau voulait tenter d'enlever les couleurs partisanes à ce débat.

En fait, sa flèche la plus venimeuse, il la décoche à un politicien étranger: un certain Nicolas Sarkozy, président de la République française dont les positions franchement fédéralistes ont eu l'heur de l'agacer de façon prodigieuse.