Le ministère des Transports n'a transmis à la Sûreté du Québec que cinq ans après l'avoir reçu le rapport interne qui concluait que des entrepreneurs s'étaient entendus pour réduire la concurrence dans les contrats de déneigement.

Jeudi encore, la ministre des Transports, Julie Boulet, a été poussée dans les câbles, malmenée par l'opposition péquiste alimentée par les constats inquiétants du rapport présenté la veille par le vérificateur général.Si le rapport interne de Transports Québec n'a pas été soumis à la police, c'est que le sous-ministre des Transports de l'époque, Florent Gagné, «avait jugé que les preuves étaient insuffisantes». Cette évaluation n'était pas sans fondement: juste avant de devenir sous-ministre, M. Gagné avait été directeur général de la Sûreté du Québec, a rappelé Julie Boulet.

La veille, dans son rapport, le vérificateur général, Renaud Lachance, avait épinglé cette décision comme la pire bévue du ministère des Transports dans la longue liste d'irrégularités qu'il a constatées dans ses façons d'attribuer les contrats. Le vérificateur a aussi noté que, en 2008, Transports Québec avait enfreint ses propres règles et contrevenu à une directive du Conseil du Trésor en accordant des contrats d'asphaltage à ABC Rive-Nord, dans laquelle l'ex-ministre David Whissell détient des intérêts. À l'époque, Denys Jean avait succédé à Florent Gagné. Il est maintenant secrétaire au Conseil du Trésor, responsable du respect des règles pour l'ensemble du gouvernement.

Diversion

Pour protéger la ministre Boulet, qui la veille avait fondu en larmes derrière le trône du président de l'Assemblée nationale, les ténors libéraux ont tenté de renvoyer la balle à Pauline Marois.

Un article du Soleil a rappelé jeudi que, quand il était président de la Société générale de Financement, le mari de Mme Marois, Claude Blanchet, possédait des actions de sociétés qui faisaient affaire avec la SGF. Toutes ces informations étaient publiques. Dans sa «déclaration d'intérêts» annuelle, Mme Marois donnait la liste des entreprises qui se trouvaient dans le portefeuille d'actions de son mari.

Envoyé à l'attaque, le leader adjoint, Claude Béchard, a soutenu que, après avoir réclamé la démission de Mme Boulet, Mme Marois devrait elle-même offrir la sienne. Piquée, Mme Marois a répliqué: «On envoie le petit dernier faire la sale job. Les tentatives d'intimidation ne m'impressionnent pas. Tout était public depuis 10 ans, je n'avais rien à cacher.» «Je n'ai jamais vu une telle mascarade», a renchéri le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard.

En plusieurs occasions, au lieu de répondre aux questions de Mme Marois sur le rapport accablant du vérificateur, Claude Béchard et Jacques Dupuis ont insisté pour remettre sur la table les informations sur les intérêts de Claude Blanchet. Le premier ministre Jean Charest s'est tenu loin de ces échanges. Le ton a monté encore quand M. Dupuis a monopolisé la période des questions dans un échange acerbe avec le député péquiste de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant, lequel avait lancé un «ferme ta gueule» bien senti à la vice-première ministre, Nathalie Normandeau. Celle-ci, pour dramatiser les échanges davantage, a même fait une conférence de presse pour exiger des excuses du député péquiste. Les blâmes sévères du vérificateur à l'endroit du gouvernement Charest ont donc été rapidement envoyés sur une voie de garage.

Plus tard, en entrevue, Mme Marois a soutenu que cette «stratégie cousue de fil blanc» visait uniquement à épargner au gouvernement un débat embarrassant sur l'intégrité du processus d'attribution des contrats au ministère des Transports.