Signe de l'avancement de la technologie, l'Assemblée nationale peut, depuis hier, recevoir directement les signatures de citoyens qui souhaitent faire parvenir une pétition aux élus. Et la chef péquiste Pauline Marois a vite profité de l'occasion pour lancer une pétition exigeant du premier ministre Charest la tenue d'une enquête publique sur l'industrie de la construction.

En fait, l'annonce du président de l'Assemblée, sur le site www.assnat.qc.ca, a même suivi l'appel de Mme Marois, dans son bilan de la dernière session parlementaire.

 

En Chambre, Mme Marois a relevé un sondage de Léger Marketing qui indiquait hier que 69% des Québécois estimaient que le refus du gouvernement de déclencher une enquête publique venait du fait que le PLQ «avait des choses à cacher». Mme Marois dressa la liste des villes, des organisations et des commentateurs qui avaient demandé le déclenchement d'une enquête. «Je sais que le premier ministre s'endort à chaque soir en pensant que le cauchemar va cesser. Ce déni ne viendra pas à bout des allégations de corruption, ça va continuer en janvier et en févier... en 2011 et en 2012», a-t-elle prédit.

Après avoir fait la liste, exhaustive, des gestes faits par le gouvernement cet automne - bien que peu de projets de loi aient été adoptés -, M. Charest a fait face à un barrage de questions des journalistes sur les raisons qui l'empêchaient de déclencher une telle commission d'enquête. Maintes fois, il a dû même s'expliquer sur les revenus annuels de 75 000$ que lui verse le Parti libéral, des fonds qui viennent des donateurs au PLQ. Une telle allocation a été négociée entre lui et le parti, «on a convenu que je puisse avoir ce qu'il me faut pour vivre», a-t-il dit. Ces fonds n'influencent en rien le verdict du gouvernement sur la tenue d'une enquête, a-t-il martelé.

Québec n'a pas fermé la porte à une telle opération, mais juge encore préférable de laisser la police faire son travail. En tout état de cause, ces commissions d'enquête, pour démarrer, ont besoin de faits que seule la police peut mettre au jour.

Jean Charest a soutenu que son allocation n'était pas une première - André Boisclair et Richard Legendre sous le PQ ont aussi eu des allocations de leur parti. Des propos qui ont fait bondir du côté du PQ; dans les deux cas, il s'agissait de donner un salaire à des gens avant qu'ils ne soient élus à l'Assemblée. Un premier ministre ne devrait tirer de revenu que des fonds publics, sans devoir quoi que ce soit à un groupe d'intérêt, a soutenu Stéphane Bédard, leader parlementaire péquiste, en point de presse avec sa chef.

Le PQ ne veut pas parler d'économie

Pour Jean Charest, si le PQ tient tant à amener le débat sur les allégations de corruption, c'est qu'il perdrait la face si on parlait davantage d'économie. Le taux de chômage au Québec a baissé de 9,1% à 8,1% depuis 2003, moment de l'arrivée des libéraux au pouvoir. Durant la même période, il a grimpé de 2,4% en Ontario, de 0,9% au Canada et de 4% aux États-Unis. Depuis le début de l'année, il s'est perdu 40 000 emplois au Québec, a rétorqué Mme Marois.

Du côté de l'ADQ, le nouveau chef Gérard Deltell n'a pas caché que l'automne avait été très dur pour la petite formation politique. Toutefois, il a rappelé que c'est la chef intérimaire, Sylvie Roy, qui, la première, dès le printemps, avait attaché le grelot aux problèmes de l'industrie de la construction, et réclamé une enquête publique.

«On a été les premiers à le faire. Comme on avait été les premiers l'an dernier à dénoncer la situation à la Caisse de dépôt, avant la campagne électorale», a soutenu M. Deltell.

La direction de l'ADQ soutient aussi avoir vérifié partout et ne pas comprendre de quoi parlait l'ancien chef Gilles Taillon quand il a soutenu que la police devrait se pencher sur le financement du parti.

Finalement, selon Amir Khadir, de Québec solidaire, les politiciens n'ont rien fait durant les derniers jours pour réduire le cynisme de la population à leur endroit. «Ce qui est vulgaire, c'est un premier ministre qui prétend que tout le monde a tort dans la société et que seul le gouvernement a raison.»

Favorable à la tenue d'une enquête publique, le député de Mercier relève que des amis italiens sont exaspérés par «l'atmosphère de suspicion qui règne sur une communauté qui ne mérite pas ça». Il a rappelé son appui rapide à la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1), une opération qui a surmonté le scepticisme de la population, a observé le médecin Khadir.