Le nouveau maire de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies, Joe Magri, a obtenu une subvention pour construire deux garderies privées totalisant 120 places dès l'an prochain. M. Magri est un bon ami du ministre de la Famille, Tony Tomassi, a appris La Presse. Mais les deux hommes assurent que ce lien privilégié n'a pas influencé la décision du gouvernement d'allouer les subventions.

M. Magri construira une garderie privée subventionnée de 60 places à Blainville, et une autre de 70 places à Montréal-Nord. Ces deux projets devront être prêts pour l'année 2010-2011.

M. Magri, qui a déjà été agent immobilier pour la compagnie Remax, a été élu maire de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies sous la bannière d'Union Montréal en novembre dernier.

Dans un article publié en juillet dans la revue de la communauté italienne La Vocce, Joe Magri affirme que Tony Tomassi est «son grand ami d'enfance». Il ajoute qu'à la suite de l'élection de M. Tomassi dans la circonscription de Rivière-des-Prairies, il s'est «trouvé à assumer des tâches de premier plan dans l'association libérale de la circonscription», jusqu'à ce que M. Tomassi le «convainque de replonger dans la politique municipale», domaine dans lequel il est maintenant actif. En entrevue exclusive hier matin, le ministre Tomassi n'a pas nié que des places ont été attribuées à son ami Joe Magri. Mais il a assuré «qu'aucun lien d'amitié, ou aucun lien quel qu'il soit n'a influencé l'attribution de places en garderie». «Le processus a été très rigoureux. Les gens ont déposé des projets qui ont été analysés», a-t-il affirmé.

Le ministre a expliqué que six critères de sélection ont été établis et que c'est selon ces critères que les projets ont été évalués. «Les meilleurs projets ont été choisis», a martelé M. Tomassi.

M. Magri a lui aussi déclaré que ses liens d'amitié ne l'ont pas favorisé. «On a répondu aux appels d'offres sortis en 2008. On a été choisis parce qu'on avait un projet de qualité», a dit M. Magri, qui planifie ce projet avec sa conjointe, Josie Magri, et une autre partenaire.

Un drôle de hasard

Le processus d'attribution de places en garderie a soulevé plusieurs questions à la fin de la dernière session parlementaire. Le député péquiste Nicolas Girard a démontré que des propriétaires de garderies privées avaient contribué pour la première fois à la caisse du Parti libéral en 2008 et avaient obtenu la même année une subvention pour de nouvelles places.

«On apprend maintenant que ce ne sont plus seulement des donateurs du parti, mais aussi des proches du ministre qui ont obtenu des places à 7 $. On prétend que le hasard a encore frappé. Il me semble que le hasard est très gros dans ce cas-ci...» affirme M. Girard.

Le député estime qu'une enquête du directeur général des élections est plus pertinente que jamais. «Le processus d'attribution des places en garderie est vicié. Il faut faire la lumière là-dessus», croit-il.

Joe Magri a expliqué que l'idée de bâtir des garderies privées est venue de sa femme. «Elle revenait sur le marché du travail. On a regardé si on pouvait avoir une garderie en milieu familial. Puis il y a eu ouverture de places et on a décidé de participer», a dit M. Magri, qui a ajouté qu'il assurera le financement des deux garderies avec sa femme et leur partenaire d'affaires.

Une garderie subventionnée est-elle une entreprise lucrative ? «Il faudrait poser la question à eux (les promoteurs privés)», a dit le ministre Tomassi. Ce dernier a expliqué que contrairement à un centre de la petite enfance (CPE), pour lequel le gouvernement finance la construction du bâtiment, les promoteurs des garderies privées assument les coûts de construction.

Le gouvernement verse ensuite aux CPE et aux garderies privées une subvention pour chaque enfant. À la fin de l'année, les surplus générés par les CPE doivent être réinvestis dans la garderie. «Le privé fait son profit de l'argent qu'il retire de la subvention. Mais il a la charge de payer sa dette», a résumé M. Tomassi.

Pour Nicolas Girard, les garderies sont «des lieux éducatifs pour nos enfants» et il serait pertinent que «le gouvernement s'assure de la compétence des gens qui les achètent».

Plus de 70% des 18 000 nouvelles places en garderie promises pour 2010 ont été accordées à des CPE et 30% à des garderies privées. «L'important pour nous, c'est de savoir si le projet est faisable, s'il se fera dans les délais prescrits et s'il respectera nos exigences», a résumé M. Tomassi.

Selon lui, accuser le gouvernement de favoriser ses amis et ses donateurs est «tiré par les cheveux». «Tous les dossiers sont administrés par le Ministère, a-t-il dit. C'est lui qui approuve les listes. Il n'y a pas de favoritisme.»