Depuis l'an 2000, les fraudes au régime d'aide sociale du Québec frôlent le milliard de dollars.

Et il faut ajouter 400 millions supplémentaires versés en trop à la suite d'erreurs de bonne foi des prestataires.

La Presse a obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information la compilation de l'aide de dernier recours versée en trop à des prestataires qui ont fait, volontairement, de fausses déclarations. Chaque année, environ 70 millions sont ainsi détournés - en 2005, on a atteint un sommet avec 85 millions. L'addition de toutes ces fraudes atteint sur 10 ans 800 millions versés sur la base de «fausses déclarations». Depuis 2006-2007, le coût des fraudes est stable ; année après année, il tourne autour de 69 millions.

Confronté à ces chiffres, le ministre Sam Hamad s'est dans un premier temps refusé à parler de «fraude». Puis, devant les explications écrites de ses fonctionnaires, M. Hamad a convenu qu'il s'agit de gestes délibérés. Mais sur l'ensemble des prestataires, en proportion, les délinquants restent marginaux. «Ce n'est pas pire qu'au ministère du Revenu», a-t-il lancé.

Dans son résumé du 21 décembre dernier, la Direction de la conformité du ministère de l'Emploi fait une distinction très nette entre ces fausses déclarations volontaires et «l'aide reçue sans droit».

Dans le premier cas, on parle d'une personne qui a «volontairement omis de déclarer un renseignement» ou carrément «fait une fausse déclaration de manière à obtenir une prestation supérieure à celle à laquelle elle aurait eu droit, contrairement à ce qu'un adulte raisonnable et responsable aurait fait dans de pareilles circonstances».

Il en va tout autrement pour «l'aide reçue sans droit», soit 400 millions depuis l'an 2000. Ce sont des erreurs humaines, comme des prestataires qui ont omis de signaler qu'ils avaient réintégré le marché du travail, des réclamations qui touchent de petites sommes en général, précise le Ministère.

À la fin de 2009, le Québec comptait 370 000 prestataires de l'aide sociale, dont 142 000 n'avaient pas de contrainte à l'emploi. Chaque mois, le gouvernement verse 240 millions environ en aide de dernier recours, une facture totale de 3 milliards par année.

En entretien à La Presse hier, le ministre Sam Hamad a évité d'être alarmiste. Depuis le début de la décennie, quelque 30 milliards ont été distribués par le ministère de l'aide sociale. Qu'on retrouve presque un milliard de fraude n'est pas dramatique, selon lui.

«Oui, il y a des fausses déclarations, mais ce n'est probablement pas pire qu'au ministère du Revenu. Je ne connais pas le nombre de fausses déclarations à l'impôt, mais il y en a plein», a-t-il fait valoir. «Alarmant ? Cela arrive partout», estime-t-il.

Aussi, insiste M. Hamad, il faudrait tenir compte des sommes récupérées par les fonctionnaires de son ministère auprès des contrevenants. «En 2008-2009, on a récupéré 107 millions. On récupère sur plusieurs années antérieures», insiste-t-il.

Depuis les dernières années, le Ministère a «augmenté le contrôle de conformité», les convocations de prestataires aux centres locaux d'emploi et les ressources affectées aux centres de recouvrement, a fait remarquer le ministre Hamad.

- Avec la collaboration de William Leclerc