Le député libéral Jean D'Amour pourrait être poursuivi si l'enquête du commissaire au lobbyisme démontre que la firme d'ingénierie BPR, dont il a été un représentant, a commis des dizaines d'infractions à la loi.

Hier, le commissaire au lobbyisme, Me François Casgrain, a remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales un rapport d'enquête sur les activités de lobbyisme de BPR dans le Bas-Saint-Laurent. Il a constaté pas moins de 84 violations à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme commises par 16 représentants de la firme.

En tout, 27 des 84 manquements pourraient faire l'objet de poursuites, car le délai de prescription d'un an n'est pas encore écoulé dans leur cas. Les contrevenants sont passibles d'amendes de 500$ à 25 000$ pour chaque infraction.

Dans son communiqué, le commissaire au lobbyisme note que 13 représentants de BPR ont agi à titre de lobbyistes sans être inscrits au registre comme le prescrit la loi. Trois des plus hauts dirigeants de BPR ont eux aussi violé la loi en n'inscrivant pas les personnes qui exercent des activités de lobbyisme pour le compte de leur entreprise.

Le commissaire ne nomme pas les personnes visées. La loi l'en empêche. Mais, dans son communiqué de presse, plusieurs précisions permettent de croire que Jean D'Amour est concerné. D'abord, le commissaire souligne qu'«il y a eu des manquements aux règles d'après-mandat, qui imposent des restrictions aux titulaires de charges publiques lorsqu'ils quittent leurs fonctions». En outre, un ex-maire peut exercer des activités de lobbyisme auprès d'élus ou de fonctionnaires seulement deux ans après la fin de son mandat.

Or, c'est justement une possible violation de cette règle qui avait plongé Jean D'Amour dans l'embarras au printemps 2009 et avait amené le commissaire à déclencher une enquête le 2 septembre.

M. D'Amour a démissionné de son poste de maire de Rivière-du-Loup en février 2007 pour se présenter ensuite aux élections générales sous la bannière libérale. Battu par Mario Dumont dans Rivière-du-Loup, il a ensuite travaillé pour la firme BPR à titre de directeur du développement des affaires, dans le Bas-Saint-Laurent. Il a quitté ses fonctions le printemps dernier, lorsqu'il est devenu candidat du PLQ aux élections partielles dans Rivière-du-Loup. Il a été élu le 22 juin.

Dans son communiqué, le commissaire au lobbyisme indique également que les «communications d'influence» faites en contravention à la loi ont été réalisées auprès d'élus ou de fonctionnaires de Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles et Matane, entre autres. Les activités de lobbyisme concernaient notamment les projets liés au biogaz et à la gestion des matières résiduelles à Rivière-du-Loup.

Or, en avril 2009, l'actuel maire de Rivière-du-Loup, Michel Morin, avait reconnu avoir eu des discussions avec M. D'Amour concernant un contrat de BPR sur la récupération des biogaz.

Le gouvernement Charest n'expulse pas M. D'Amour du caucus. Du moins pour le moment. «On ne peut pas présumer à partir des informations que nous avons que M. D'Amour est visé ou pas», a affirmé le whip en chef du gouvernement, Pierre Moreau, à la sortie d'une réunion du Conseil des ministres. «Alors, pour l'instant, on va laisser le processus suivre son cours. On prendra les actions nécessaires s'il y a des noms qui sont donnés. Je n'ai aucune raison de prendre quelque action que ce soit au moment où on se parle.»

Le Parti québécois exige que Jean D'Amour quitte le caucus libéral immédiatement. Il demande aussi que la partie du rapport d'enquête le concernant soit rendue publique. «M. D'Amour est un élu. Sa conduite doit être l'objet de la plus complète transparence», a plaidé la leader parlementaire adjointe de l'opposition officielle, Agnès Maltais.

Selon l'Action démocratique du Québec, le premier ministre Jean Charest doit révéler à quel point M. D'Amour est impliqué dans les manquements à la loi découverts par le commissaire. «C'est un test pour le gouvernement libéral afin de savoir comment les enjeux d'honnêteté, de transparence et de respect de la démocratie sont importants pour lui», a affirmé la leader parlementaire Sylvie Roy.

Tout comme BPR, Jean D'Amour a refusé de commenter. Il n'a pas l'intention de quitter le caucus libéral. Il s'était retiré du caucus en novembre le temps que des vérifications soient faites au sujet d'une contribution suspecte de 500$ qu'il avait reçue à son domicile en avril 2007. Le député a réintégré le caucus le 23 décembre après que le Directeur général des élections et l'opération Marteau eurent conclu qu'il ne fera pas l'objet d'une enquête.

De son côté, l'Ordre des ingénieurs mène toujours une enquête afin de déterminer si M. D'Amour a usurpé le titre d'ingénieur alors qu'il travaillait pour BPR.

En décembre 2008, Jean D'Amour a plaidé coupable à une accusation de conduite en état d'ébriété. Son permis de conduire a été suspendu pour un an. M. D'Amour, qui était à ce moment président du PLQ, a écopé d'une amende de 1200$.