Les députés reprennent aujourd'hui le chemin du Parlement après une pause de deux mois. Ce sera un peu comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Car des questions cruciales sur l'éthique, les finances publiques, la collusion dans la construction sont toujours au coeur du débat politique, divisent le gouvernement et l'opposition. Avec en prime un budget écrit à l'encre rouge, des négociations dans le secteur public et la volonté du PQ de relancer le débat identitaire, ça promet comme session parlementaire.

Construction: enterrée, l'enquête publique?

C'était le dernier acte d'une session parlementaire mouvementée. À la suite d'une série d'allégations de collusion, le Parti québécois lançait en décembre une pétition en ligne réclamant une enquête publique sur l'industrie de la construction. Mais l'opération s'est avérée plus difficile que prévu, ce qui a forcé le PQ a ajusté sa stratégie. Il a recueilli un peu plus de 40 000 signatures grâce à internet, ce à quoi il faut ajouter les signatures recueillies par les députés sur papier au cours des dernières semaines. La pétition sera déposée cette semaine à l'Assemblée nationale. De son côté, le gouvernement Charest écarte toujours une enquête publique, préférant «laisser les policiers faire leur travail». Jusqu'à maintenant, l'opération Marteau a fait quelques perquisitions et visites-surprise dans des entreprises au sujet d'allégations de collusion concernant un contrat accordé par Boisbriand. C'est un résultat décevant, estiment le PQ et l'ADQ. Les débats reprendront sur deux projets de loi, concernant l'octroi des contrats municipaux et le financement des partis politiques.

 

Finances publiques: l'heure des «décisions difficiles»

C'est le budget le plus attendu des dernières années. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, aurait sûrement aimé que ce soit pour des raisons différentes. Il annoncera en effet les «décisions difficiles» en vue de sortir le Québec de l'ère des déficits. Il jongle avec différents scénarios, comme hausser la TVQ davantage que prévu et augmenter les tarifs d'hydro-électricité. Il a toujours l'intention de limiter la croissance des dépenses à 3,2% l'an prochain - la moyenne des dernières années est de 4,6%. Le couperet tombera dans plusieurs ministères, alors que des appels au «dégraissage» de l'État se multiplient. Selon les prévisions du gouvernement, Québec finira l'année avec un déficit de 4,5 milliards. Au cours des quatre prochaines années, les déficits totaux prévus atteignent 13,2 milliards. Le gouvernement s'est engagé dans une loi à revenir à l'équilibre budgétaire en 2013-14. Il doit trouver d'ici là 5 milliards de plus en revenus ou en réduction de dépenses.

Négos: affrontement en vue

L'affrontement semble inévitable entre Québec et ses employés tant leurs positions sont éloignées. D'un côté, le gouvernement Charest offre une hausse globale de 7% sur cinq ans, ce qui représente 2,3 milliards. De l'autre, le front commun syndical réclame une hausse salariale de 11,25% sur trois ans (3 milliards). Il se plaint d'un retard salarial par rapport au secteur privé. Et il rappelle que le gouvernement Charest, dans la précédente convention réglée par décret en 2005, a imposé un gel salarial de deux ans - qui fut suivi de quatre hausses de 2% par an. Qui remportera la bataille de l'opinion publique? En cette ère d'incertitude économique et de déficits budgétaires, les sondages sont favorables au gouvernement. Et Pauline Marois, dont le parti est un allié des syndicats, a déclaré que les demandes sont «un peu élevées», ce qui a provoqué la colère de l'aile syndicaliste du PQ. Autre acteur à surveiller: les médecins spécialistes, dont le rapport de force est beaucoup plus grand que les fonctionnaires. Ils réclament une hausse d'au moins 4% par an.

Éthique: des épines au pied du gouvernement

De lancinantes questions éthiques hanteront encore le gouvernement Charest à l'Assemblée nationale. Deux affaires récentes donnent des munitions à l'opposition. Le député de Rivière-du-Loup, Jean D'Amour, a plaidé coupable à une infraction à la loi sur le lobbyisme. Et David Whissell, d'Argenteuil, a tenté sans succès d'être embauché par ABC Rive-Nord et est en conflit avec l'actionnaire majoritaire de cette entreprise d'asphaltage qui reçoit de généreux contrats gouvernementaux. L'opposition attendait de pied ferme M. Whissell au Parlement, mais celui-ci a décidé de partir deux semaines en vacances. Déposé au printemps 2009, le projet de loi créant un code d'éthique pour les élus et un poste de commissaire a cheminé bien peu l'automne dernier. Les parlementaires doivent en débattre dans les semaines à venir.

Identité: le débat sera relancé

Le PQ a repris l'initiative du débat identitaire à la suite de la débâcle de l'ADQ. Il alimentera encore le débat au cours de prochaines semaines. Pauline Marois a demandé à Louise Beaudoin, nouvelle porte-parole en matière d'immigration, de préparer une charte de la laïcité. Au nom de la neutralité de l'État, le PQ veut par exemple interdire le port de signes religieux ostentatoires par les employés de l'État. Le gouvernement Charest joue quant à lui de prudence sur ce thème. L'automne dernier, devant la controverse, il a mis sur tablettes un projet de loi sur la «diversité culturelle» visant à encadrer les accommodements consentis par les organismes publics. Il n'est pas pressé de le remettre à l'ordre du jour. Le PQ veut également profiter de la prochaine session pour faire la «pédagogie de la souveraineté». Comme le rapportait Le Soleil hier, quatre députés feront une tournée baptisée «l'opération ABCD», A pour Jean-Martin Aussant, B pour Yves-François Blanchet, C pour Alexandre Cloutier et D pour Bernard Drainville.