Neuf ans après avoir quitté la vie politique, Lucien Bouchard demeure une figure influente au Québec. Comme lui, les Québécois ne voient pas la souveraineté poindre à l'horizon dans un avenir rapproché. Et ils partagent son opinion sur le fait que le Québec a d'autres chats à fouetter avant de se préoccuper de son indépendance.

Là où ils ne le suivent pas, c'est dans son ouverture face à la burqa: une forte majorité de Québécois souhaite l'interdire dans les lieux publics.

Telles sont les grandes tendances qui se dégagent d'un sondage réalisé pour La Presse par la firme Angus Reid à la suite d'une sortie fracassante de Lucien Bouchard. Interrogé par des journalistes, mardi dernier, l'ex-chef du PQ avait reproché à son ancien parti de s'être radicalisé sur la question des accommodements religieux. Selon lui, la laïcité n'est pas menacée au Québec, l'interdiction de la burqa dans les lieux publics n'est pas une bonne idée et la souveraineté n'est pas réalisable dans un avenir imaginable.

Ces déclarations ont soulevé des réactions virulentes chez les sympathisants du Parti québécois. Mais selon le sondage Angus Reid, les trois quarts des Québécois estiment, comme M. Bouchard, que les politiciens québécois devraient se préoccuper d'autre chose que de la souveraineté. À peine 16% des répondants croient que celle-ci devrait constituer une priorité. Les résultats sont semblables chez les francophones, dont seulement 19% jugent que la souveraineté devrait constituer une urgence politique.

De plus, 78% des répondants se sont dits fortement ou modérément en accord avec Lucien Bouchard lorsqu'il estime que la souveraineté n'est pas réalisable, alors que 16% ont exprimé leur désaccord.

Fait important, le résultat est presque le même quand on isole les réponses des francophones, dont 77% ne croient pas la souveraineté réalisable dans les années qui viennent.

Paradoxe

Quand on leur demande qui ferait le meilleur premier ministre, les Québécois optent pour Lucien Bouchard dans une proportion de 27%. Ils sont 19% à préférer Jean Charest et 15% croient que Pauline Marois serait la meilleure. Si jamais Lucien Bouchard s'aventurait à fonder un nouveau parti politique, il pourrait compter sur 31% de l'électorat, contre 24% pour le PQ de Pauline Marois et 28% pour le PLQ de Jean Charest.

Mais paradoxalement, quand on leur demande s'ils souhaitent voir Lucien Bouchard prendre la tête d'un nouveau parti, près d'un répondant sur deux (48%) répond par la négative, et seulement 36% voient cette hypothèse d'un oeil favorable.

«Lucien Bouchard demeure une force considérable au Québec, et son retour éventuel en politique aurait le potentiel de changer le paysage de façon draconienne», conclut Jaideep Mukerji, vice-président aux affaires publiques d'Angus Reid. Oui, il y a une contradiction apparente entre sa popularité et le désir réel des Québécois de le voir sauter dans l'arène politique, reconnaît-il. Cela révèle que Lucien Bouchard «ne fait pas l'unanimité», croit M. Mukerji.

Il note que la popularité de Lucien Bouchard tient à sa personnalité et à son rôle historique, mais aussi à la désaffection des Québécois face à la classe politique et à leur soif d'une nouvelle voie - soif perceptible particulièrement chez les francophones.

Quand on leur demande s'ils partagent la perception de Lucien Bouchard quand il dit que le PQ s'est radicalisé face aux minorités religieuses, les Québécois se montrent divisés: 42% sont d'accord avec cet énoncé, 36% y sont opposés. Les positions sont beaucoup plus campées sur la question du port de la burqa. Tandis que Lucien Bouchard croit que le Québec ne devrait pas interdire ce vêtement qui cache le visage, 71% des répondants, dont 77% de francophones, croient le contraire. À cet égard, Lucien Bouchard a beaucoup plus de soutien parmi les anglophones, qui partagent son opinion dans une proportion de 42%.

Enfin, les Québécois n'ont manifestement rien contre les «belles-mères»: 79% estiment que sa position d'ancien leader du PQ ne devrait pas l'empêcher de s'exprimer publiquement sur les sujets de son choix.