Pauline Marois considère que le fait d'être une femme nuit toujours à son ascension vers le pouvoir.

Elle dit même avoir dû se faire violence et aller contre sa nature profonde, pour se conformer au moule de chef politique, en modifiant son image et sa personnalité, a-t-elle confié en entrevue à La Presse Canadienne, dans le cadre de la Journée internationale des femmes.

D'un naturel affable, la chef péquiste aura donc mis des années à trouver en elle ce précieux «instinct de tueuse», qui, en politique, fait souvent office d'instinct de survie.

Car «ce n'est jamais le même regard qu'on porte sur un homme» politique, selon celle qui aspire à devenir la première femme première ministre du Québec, à l'occasion des élections générales attendues en 2012.

Maintenant âgée de 60 ans, dont la moitié consacrée à la politique, et armée d'une feuille de route impressionnante, Mme Marois pourrait croire avoir atteint le stade où on récolte le fruit de son travail.

Mais elle estime devoir toujours surmonter, encore aujourd'hui, une «réticence» qu'elle perçoit dans la population à l'idée de voter pour une femme.

Et c'est sans compter cette image qui lui colle à la peau de grande bourgeoise millionnaire un peu snob, et surtout trop douce pour sortir gagnante au jeu de la rivalité politique.

Elle s'est donc attelée, ces dernières années, à la tâche de changer la perception des gens à son égard, comme elle le mentionnait dans son autobiographie parue en 2008.

Adieu, donc, foulards multicolores, bijoux clinquants et fourrures, et bienvenue aux tailleurs-pantalons stricts aux couleurs sombres, cheveux coupés court et bijoux plus que discrets.

Pourtant, «c'est contre-nature pour moi d'avoir un uniforme, dit Mme Marois. J'aime tellement les couleurs!»

Mais pour qu'on s'intéresse à son propos, plutôt qu'à sa garde-robe, celle qui se décrit comme une «victime quant à l'aspect physique et vestimentaire», a accepté de revêtir «l'uniforme».

Et le changement, chez elle, n'a pas été que cosmétique. La leader souverainiste s'est aussi astreinte à modifier sa personnalité, pour s'adapter aux règles non écrites du milieu politique, où parfois les couteaux volent bas.

«Certains ont dit: elle n'a pas l'instinct de tueuse. Mais je peux l'avoir, quand c'est nécessaire», assure-t-elle, pour faire taire tous ceux qui jugent qu'elle manque d'agressivité dans ses échanges en Chambre avec le premier ministre Jean Charest ou de mordant pour critiquer sa gestion et marquer des points.

Elle n'hésitera donc pas à «lever le ton», chaque fois que nécessaire, même si cela ne lui vient pas naturellement.

«Je ne pouvais pas rester dans le modèle qui me convient le mieux», reconnaît celle qui préfère, de loin, la conciliation aux échanges musclés de la Chambre.

Mais loin de s'en plaindre, elle apprécie que M. Charest lui donne le change, en Chambre, en la traitant comme un homme.

«Il gère la façon de me répondre comme si j'étais un gars, considère-t-elle. Et je suis assez «rough» aussi. Et ça, je l'ai appris, parce que ce n'est pas mon style. Mais je me suis forcée, parce que je crois que c'est la façon d'être capable d'attaquer sa gestion et l'intégrité du gouvernement.»

Bref, «je pense qu'il me respecte, donc il peut me porter des coups plus durs», ajoute la chef péquiste, qui dit détester se positionner en «victime».

En politique, les coups les plus durs viennent souvent de l'intérieur, comme a pu le constater Mme Marois durant la dernière campagne électorale, à l'automne 2008.

Un document interne du Parti québécois (PQ) qui déplorait que la chef était perçue dans la population comme une femme «snob» et «loin des problèmes des gens» s'est retrouvé dans les médias. Mme Marois avait encaissé le coup sans broncher, et renoncé d'emblée à faire une chasse aux sorcières pour découvrir d'où provenait la fuite.

Toujours cette même image qui poursuit celle qui se voit plutôt comme une femme toute simple et facile d'accès.

Féministe depuis toujours, la chef du PQ est persuadée que les femmes, une fois au pouvoir, se comportent différemment des hommes - et mieux.

Ces femmes ont un style de gestion plus conciliant, et ont démontré qu'elles savaient être «plus près du quotidien» des gens, plus sensibles à leurs besoins, dit cette mère de quatre enfants, reprenant en cela la rhétorique traditionnelle du mouvement féministe.

Mme Marois sait que les attentes seront grandes à son égard, si elle prend un jour le pouvoir, particulièrement celles des femmes, qui la surveillent de près. «Que je le veuille ou non, c'est une responsabilité additionnelle», reconnaît-elle.

Elle espère seulement une seule chose: «être à la hauteur» des attentes de toutes celles (et ceux) qui croient en ses capacités.

Ses deux priorités en ce domaine, si elle dirige un jour le gouvernement: compléter le réseau des services de garde, et inscrire explicitement dans le préambule de la Charte des droits le principe de l'égalité entre hommes et femmes.

Chef du PQ depuis octobre 2007, Pauline Marois a eu une première chance de faire l'histoire en décembre 2008. Elle en aura une deuxième, selon toute vraisemblance, en 2012. Et, selon toute vraisemblance, sa dernière.