Le gouvernement Charest vise le jeudi 25 mars pour le dépôt du premier budget de Raymond Bachand, un exercice qui sera moins dramatique pour les contribuables que ne le laisse prévoir le débat des dernières semaines.

Car, selon les informations colligées par La Presse, Jean Charest ne souhaite pas pour l'instant s'engager dans une opération douloureuse et toucher au bloc patrimonial d'électricité produite par Hydro-Québec.

Pour générer de nouveaux revenus, Québec se tournera davantage vers deux hausses consécutives de la taxe de vente du Québec que vers des hausses de tarifs. Une hausse de 1% est déjà prévue pour janvier 2011, annoncée dans le dernier budget de Monique Jérôme-Forget. Québec annoncera qu'il récupérera 1% supplémentaire, se trouvant à combler ainsi totalement l'espace laissé vacant par les diminutions de la TPS fédérale du gouvernement Harper. On ne sait pas quand cette seconde hausse s'appliquera, mais elle pourrait tomber rapidement. Chacune de ces deux hausses de 1% de la taxe de vente du Québec fait grimper les recettes de 1,6 milliard $. Maintes fois, le secteur financier a fait valoir qu'il ne faudrait pas que le Québec se démarque trop de ses voisins à ce chapitre, pour rester compétitif. Mais on tient compte aussi du fait qu'au Canada, seulement 20% des revenus publics viennent de ce genre de levier, bien moins que dans les autres pays de l'OCDE.

On sait déjà que la brochette d'économistes consultés par le ministre des Finances pour préparer le budget approuvera cette solution. Ils seront moins contents toutefois d'une autre décision.

Hausse de la taxe sur le carburant

Selon des sources fiables, pour éponger les gigantesques factures pour l'entretien du réseau de transport routier et les transports en commun, Québec ouvrirait aussi la vanne pour une hausse de la taxe sur le carburant - on parle de 2 cents le litre environ.

Durant tout l'automne, les ministres Raymond Bachand et son collègue du Développement économique, Clément Gignac, ont alimenté tant qu'ils pouvaient le débat autour d'une hausse de l'énergie partie du «bloc patrimonial» d'Hydro-Québec, 165 térawattheures d'énergie vendue bien en bas du prix du marché. Une hausse d'un cent du kilowatt pour cette énergie gonfle les recettes de 1,6 milliard. En privé, à des proches comme à des spécialistes, les ministres Bachand et Gignac discutaient de cette intention, avec des scénarios précis de hausse. La ministre Nathalie Normandeau, responsable du dossier énergétique, a toutefois haussé le ton quand elle a vu ses collègues s'avancer dans ses platebandes.

Après une commission parlementaire où Hydro-Québec est venu expliquer son plan de développement, à la fin de l'automne dernier, le premier ministre Charest a fait savoir à l'interne, a-t-on appris, que le budget de ce printemps s'appuiera bien davantage sur les hausses de la taxe de vente que sur la majoration des tarifs d'Hydro. Les spécialistes expliquent que le fait que le secteur industriel - 50 % de la consommation d'électricité - soit totalement opposé à une hausse de tarifs «pèse lourd dans la balance». Au surplus, Québec a accordé des rabais à plusieurs entreprises énergivores par l'entremise de contrats à long terme qui ne peuvent être modifiés facilement.

Pas de controverse

Aussi, explique-t-on, pour ce troisième mandat, le premier ministre Charest n'a pas beaucoup envie de se lancer dans une large controverse publique sur l'abandon du bloc patrimonial, longtemps présenté comme un acquis pour les contribuables qui ont financé le développement d'Hydro-Québec. Au surplus, avec les mécanismes déjà en place, les tarifs d'électricité ont tout de même augmenté de 18% au cours des dernières années.

Le gouvernement procédera à des hausses de tarifs, mais sans toucher à l'électricité ou aux services de santé ; cette opération ne fera donc pas beaucoup pour les recettes gouvernementales. Dans un précédent budget, Québec avait déjà évalué à une cinquantaine de millions les recettes attendues d'un dégel suivi d'une indexation pour une foule de tarifs, inchangés depuis des années.

Du côté des dépenses, le gouvernement restera sur l'objectif de croissance fixé pour 2009-2010 dans le précédent budget, 3,2%, tout en conservant la cible du retour au déficit zéro en 2013. La «révolution culturelle» que provoquerait une compression à 2,5%, telle que proposée par le quatuor d'économistes consultés par Québec, n'est pas pour demain, évacuée d'ailleurs publiquement par la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay. Dans les cabinets politiques toutefois, on souligne déjà que les prochains crédits comporteront des compressions douloureuses des dépenses de programmes.