Le Parti québécois de Pauline Marois a décidé d'expulser le SPQ libre, organe de gauche qui a plus souvent qu'à son tour critiqué publiquement les orientations du parti.

En marge du colloque du PQ sur la création de la richesse, dimanche, Mme Marois a expliqué que les membres du parti étaient irrités de voir quelques ténors de gauche avoir davantage voix au chapitre que les militants de la base. «Il y avait un bruit de fond dans le parti, les gens ne se reconnaissaient plus dans cette institution, ils avaient l'impression qu'ils se faisaient littéralement tasser», a dit Mme Marois.

L'opération était délicate du point de vue des relations publiques - le rassemblement proposait justement un recentrage du PQ vers des objectifs comme l'enrichissement personnel, et mettait de côté les interventions tous azimuts de l'État. Un «virage» ni à droite ni à gauche, mais «vers le gros bon sens», a résumé Mme Marois dimanche.

Le comité exécutif péquiste a décidé de couper les ponts immédiatement avec ce regroupement proche des centrales syndicales. Au prochain congrès, au printemps 2011, on abolira le principe même des clubs politiques au sein du PQ.

Selon Mme Marois, cette décision n'est pas la conséquence d'une prise de position en particulier, «c'est l'ensemble de l'oeuvre», a-t-elle dit, rappelant que le groupe avait accumulé une revue de presse considérable à force de prendre ses distances avec les positions de la direction du PQ.

À certaines occasions, l'agacement est venu d'ailleurs - des informations confidentielles du comité exécutif péquiste sur la stratégie pour le prochain congrès s'étaient retrouvées sur le site du club politique, a rappelé Mme Marois.

Sonnés et amers, les deux ténors du groupe, Marc Laviolette et Pierre Dubuc, sont partis avant le discours de la chef péquiste. «On ne claque pas la porte, on la ferme doucement», a dit ironiquement M. Laviolette, qui se propose de devenir un «péquiste indépendant». «Pour l'instant, on est des péquistes libres, on ne servira pas de caution pour ça.»

«Du point de vue démocratique, cette décision n'est pas glorieuse, a laissé tomber M. Laviolette. Si on avait été des béni-oui-oui, on serait encore reconnus comme club politique. C'est la pensée unique, une seule idée. Si vous ne l'appuyez pas, vous ne jouez pas. C'est ce qu'ils pensent, mais on n'est pas d'accord», a dit l'ancien président de la CSN.

«Mme Marois cherche à se distancer des organisations syndicales», selon M. Laviolette. Sa déclaration selon laquelle elle trouvait les demandes du front commun trop gourmandes en était un premier signe. «J'ai hâte de voir Mme Marois quand elle va demander l'appui des centrales aux prochaines élections... quelle sera la chaleur des travailleurs à l'endroit de son parti», a affirmé M. Laviolette.

Son collègue Pierre Dubuc voit dans cette abolition le signe le plus net du «virage à droite» du PQ. «On est toujours d'accord avec le programme du PQ adopté en 2005», a-t-il rappelé.

À huis clos

Contre leur habitude, les péquistes ont débattu à huis clos dimanche de leurs résolutions d'urgence: l'une d'elle proposait qu'on «blâme le SPQ libre pour ses prises de position publiques dans les médias plutôt qu'à l'intérieur des instances du parti».

«Il y avait une dichotomie entre le statut de membre actif dans le parti, les poseurs de pancartes, les gens qui font les élections, et ce statut particulier accordé à un groupe qui pouvait prendre la parole sur presque tous les sujets et s'opposer au parti. Les militants ne l'acceptaient pas», a résumé Sylvain Simard, député de Richelieu.

«C'était un parti dans le parti», a estimé le président du PQ, Jonathan Valois.

«On ne tourne pas à droite. Je suis proche des idées de MM. Laviolette et Dubuc. On ne chasse pas les progressistes, ils sont les bienvenus s'ils veulent rester actifs au PQ», a dit Agnès Maltais, députée de Chauveau.

Le SPQ libre a été formé en 2005 quand, sous Bernard Landry, le PQ avait décidé de faire de la place à des clubs politiques, imitant en cela les grands partis politiques français. Cinq ans plus tard, un seul groupe a vu le jour, avec comme chef de file l'ancien président de la CSN Marc Laviolette et Pierre Dubuc, ex-candidat à la direction du PQ et éditeur de L'Aut'Journal. «Cela partait d'un bon sentiment», a rappelé Sylvain Simard, soulignant qu'à l'époque, on assistait à la construction de Québec solidaire, autre parti susceptible d'attirer des péquistes de gauche.

Joint dimanche, Bernard Landry n'a pas voulu critiquer la décision de saborder le club de gauche. «Quand le SPQ libre a été formé, je préparais un autre groupe, les «entrepreneurs pour la souveraineté», qui aurait fait contrepoids. Mais il n'y en a jamais eu», a dit Bernard Landry, qui avait annoncé, au congrès de juin 2005, sa démission à la surprise générale.