L'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare a refusé, vendredi, de se plier à une convocation formelle du Directeur général des élections, qui voulait l'entendre au sujet d'allégations de financement illégal au Parti libéral du Québec.

M. Bellemare a eu des mots très durs envers le DGE, Marcel Blanchet, l'accusant de manquer d'indépendance et d'être à la solde du premier ministre Jean Charest.

«M. Charest ne veut pas de commission d'enquête, il dit que c'est au DGE de s'occuper de ça et puis le DGE enchaîne en bon mercenaire servile au service d'un premier ministre qui se cache la tête dans le sable, a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique. Je ne comprends pas.»

En annonçant sa convocation, M. Blanchet a déclaré qu'il souhaitait savoir pourquoi l'ex-ministre a soutenu, lors d'entrevues dans les médias, que «toute l'industrie de la construction cotise de façon significative aux coffres du PLQ».

Selon M. Bellemare, qui est retourné à sa pratique d'avocat, il lui est impossible de témoigner devant le DGE sans enfreindre l'engagement à la confidentialité qu'il a prononcé en entrant au conseil des ministres, après son élection en avril 2003.

M. Bellemare a estimé qu'à titre d'ancien procureur général du Québec, il est en mesure de déterminer que seule une commission d'enquête lui offrirait l'immunité lui permettant de s'exprimer sans s'exposer à des accusations.

«Ce sont des informations dont j'ai eu connaissance dans le cadre de ma fonction et on ne peut pas dévoiler des choses dont on a eu connaissance dans ce cadre sans violer quelque serment, quelque loi, a-t-il dit. Il faut en conséquence bénéficier de l'immunité absolue.»

Alors que des députés ont évoqué la possibilité d'offrir l'immunité à M. Bellemare pour qu'il soit entendu en commission parlementaire, l'ex-ministre n'a pas fermé la porte à cette éventualité.

«C'est à voir, je ne sais pas si ça s'est déjà fait, a-t-il dit. Quand on est un parlementaire, on bénéficie de l'immunité pour les propos tenus au parlement. Ca existe pour les parlementaires mais je ne suis plus un parlementaire, ce qui complique un peu les choses.»

M. Bellemare a jugé que le DGE s'était déshonoré en décidant de le convoquer, quelques heures après que le gouvernement ait annoncé son intention de déposer une motion, jeudi, recommandant que M. Blanchet «fasse la lumière» sur ses allégations.

M. Bellemare a affirmé qu'il avait reçu son assignation après que le DGE l'a annoncée publiquement.

«Le DGE se déshonore complètement dans la mesure où ça fait l'objet de débats politiques au Salon bleu (de l'Assemblée nationale) et qu'un premier ministre fort embarrassé, complètement paniqué, qui dit des faussetés de surcroit dit: moi je n'en ferai pas de commission d'enquête, c'est le DGE qui s'occupe de ça», a-t-il dit.

M. Bellemare a soutenu qu'il ne pouvait pas être trouvé coupable d'outrage au tribunal, en refusant la convocation du DGE, malgré ce qu'une porte-parole de M. Blanchet a indiqué cette semaine.

Affirmant qu'il n'agit pas par vengeance, M. Bellemare, qui a quitté la politique un an à peine après son élection, s'est défendu d'avoir voulu aider l'opposition, qui talonne le premier ministre dans ce dossier depuis des mois.

«Je ne le fais pas par vengeance par rapport à M. Charest, a-t-il dit. Si c'était le cas, probablement que je l'aurais fait autrement, ou avant.»

Au cours des derniers jours, dans deux entrevues à des médias de Québec, M. Bellemare a affirmé qu'il savait «des choses» - sur les liens financiers entre le PLQ et l'industrie de la construction - qui pourraient «embarrasser le gouvernement», sans vouloir en dire davantage.

M. Bellemare a soutenu mercredi qu'il avait déjà discuté avec M. Charest d'irrégularités dans le financement politique du PLQ, contredisant ainsi ce que le premier ministre avait dit le jour même.

En vertu des règles sur le financement politique, il est interdit aux entreprises de contribuer aux partis politiques.

Seuls les électeurs peuvent faire des dons, le montant maximal étant fixé à 3000 $ par année.