L'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare a assuré, mardi, qu'il dispose de preuves démontrant que le premier ministre Jean Charest a menti, la semaine dernière, lorsqu'il a nié être au courant d'irrégularités dans le financement du Parti libéral du Québec.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, M. Bellemare a affirmé qu'il a discuté à plusieurs occasions de cette question avec le premier ministre, durant l'année où il a été au gouvernement.

«Le premier ministre a menti la semaine dernière quand il a dit qu'il n'était pas au courant, a-t-il dit. Et juste là-dessus, je suis en mesure de prouver, par deux plus deux, qu'il était au courant.»

L'ex-ministre a déclaré qu'il a parlé à M. Charest d'un système de trafic d'influence ainsi que des pratiques irrégulières de financement politique au PLQ.

«Ce sont des choses dont je lui ai parlé à plusieurs reprises personnellement», a-t-il dit.

M. Bellemare a rejeté une nouvelle fois toute possibilité qu'il accepte de témoigner devant les enquêteurs du Directeur général des élections.

«Manifestement, c'est une manoeuvre de diversion qui vise à ce que tout ça se passe dans un contexte individualisé loin des caméras, loin de l'opinion publique», a-t-il dit.

Même si le DGE lui garantit que son témoignage sera confidentiel et qu'il ne sera pas poursuivi en vertu de la Loi électorale, M. Bellemare juge ces assurances insuffisantes.

L'ex-ministre, qui a quitté ses fonctions en avril 2004, souhaite avoir la même immunité que les parlementaires puisque les informations qu'il veut révéler pourraient l'exposer à des poursuites.

«L'immunité, c'est la règle dans des témoignages de cette nature, a-t-il dit. Pour éviter d'être l'objet d'une avalanche de poursuites farfelues, frivoles.»

M. Bellemare a déclaré qu'il est totalement prêt à venir témoigner devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale, comme l'a formellement proposé l'Action démocratique du Québec, mardi.

Selon lui, ce forum est plus approprié car son propos dépasse les simples considérations du financement politique.

«Ce que j'ai à dire, ce n'est pas seulement la question du financement, a-t-il dit. C'est aussi toute l'influence exercée par les employeurs et les syndicats de la construction auprès du premier ministre.»

L'ex-ministre de la Justice et procureur général du Québec a soupçonné M. Charest d'abuser de sa propre immunité parlementaire en affirmant qu'il n'a jamais été mis au courant d'irrégularités dans le financement du PLQ.

«Jean Charest quand il parle, qu'il fait ses déclarations, il a l'immunité plus-plus, a-t-il dit. Je ne suis pas sûr que ce serait la même chose s'il ne l'avait pas.»

Selon M. Bellemare, M. Charest et son leader parlementaire, Jacques Dupuis, sont réticents à ce qu'il comparaisse devant une commission parlementaire par crainte de ce qu'il pourrait révéler.

«C'est la stratégie de l'autruche, a-t-il dit. Ils veulent cacher. Ils ne veulent pas être attaqués ou remis en question. Ils ne veulent pas que des gens puissent s'exprimer dans un contexte où ils n'ont pas un parfait contrôle.»

Depuis une semaine, les représentants du gouvernement et M. Bellemare se renvoient la balle, à la suite d'entrevues dans lesquelles il a indiqué qu'il savait des choses compromettantes au sujet du financement du PLQ.

M. Charest a notamment affirmé qu'il ignorait tout des irrégularités auxquelles M. Bellemare faisait référence, ce que le principal intéressé avait déjà contredit, sans toutefois préciser qu'il avait des preuves à soumettre.

Mardi, M. Dupuis a affirmé que le DGE avait l'indépendance ainsi que les pouvoirs nécessaires pour entendre M. Bellemare et aller au fond des choses.

Selon le leader parlementaire, permettre à l'ex-ministre d'être entendu en commission parlementaire accréditerait sa thèse selon laquelle le DGE est à la solde des libéraux.

«Accepter aujourd'hui que M. Bellemare aille raconter ce qu'il sait en commission parlementaire, ce serait endosser ce qu'il a dit en fin de semaine», a-t-il dit avant d'entrer en Chambre.

M. Dupuis a indiqué que le DGE peut offrir une immunité à l'ex-ministre.

«M. Bellemare doit se présenter devant le Directeur général des élections», a-t-il dit.

Le chef adéquiste Gérard Deltell a déposé une motion, qui sera débattue mercredi, dans laquelle il propose que la commission de l'administration publique entende M. Bellemare, au cours des prochaines semaines, tout en lui procurant l'immunité parlementaire.

M. Deltell a soutenu que M. Dupuis devrait cesser de s'opposer, au nom du gouvernement, à ce que son ex-collègue vienne s'expliquer à l'Assemblée nationale.

«En agissant de la sorte, malheureusement, M. Dupuis continue à ne pas vouloir faire la lumière sur la réalité, a-t-il dit. Il va continuer d'y avoir un nuage de soupçons autour de toute cette affaire et c'est ce qui est malheureux.»

Le Parti québécois a indiqué qu'il votera en faveur de la motion des adéquistes.