Une musulmane qui porte le niqab ou la burqa aura désormais l'obligation d'avoir le visage découvert pour recevoir des services d'institutions publiques et parapubliques.

 Les employés de l'État ne pourront pas plus porter le voile intégral mais ils seront toujours autorisés à arborer d'autres signes religieux, comme une croix ou le hidjab. C'est ce que prévoit un projet de loi déposé par la ministre de la Justice, Kathleen Weil, cet avant-midi à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi vise à établir «des balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'administration gouvernementale et dans certains établissements», comme les écoles, les hôpitaux et les garderies.

Tout accommodement doit respecter la Charte des droits, «notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière», précise le projet de loi 94.

Un accommodement ne peut être accordé que s'il est «raisonnable», donc qu'il n'impose pas aux organismes publics une «contrainte excessive», comme un coût important, ou qu'il ne remet pas en question leur bon fonctionnement et les droits d'autrui. Cette disposition reprend à peu de choses près la définition juridique de l'accommodement raisonnable.

Un employé de l'État et une personne qui reçoit des services publics doit «avoir le visage découvert lors de la prestation des services». Si une demande d'accommodement est faite, celui-ci doit être refusé «si des motifs liés à la sécurité, à la communication ou à l'identification le justifient».

Le gouvernement Charest dit avoir des avis juridiques démontrant que ces dispositions sont conformes aux chartes des droits.

En conférence de presse, le premier ministre Jean Charest a décrit le projet de loi comme un «geste déterminant pour clarifier la question des accommodements». Il dit faire le choix de la «laïcité ouverte». C'est pourquoi il permet toujours le port de signes religieux ostentatoires chez les employés de l'État - à l'exception du voile intégral. Le port de signes religieux n'est pas un «obstacle à faire son travail de façon professionnelle et impartiale», a-t-il expliqué.

Le Conseil du statut de la femme, qui a participé à la rédaction du projet de loi, salue le geste fait par le gouvernement Charest. Sa présidente, Christiane Pelchat, estime que le projet de loi envoie un message clair aux gestionnaires publics selon lequel leurs décisions en matière d'accommodement doivent respecter le droit à l'égalité des sexes. Les dérapages pourront ainsi être évités, selon elle.

Pour Mme Pelchat, le gouvernement Charest devra toutefois «aller plus loin un jour» et interdire le port de signes religieux ostentatoires chez les employés de l'État.

Le Parti québécois estime que le projet ne change rien à l'état actuel du droit. Il réclame l'adoption d'une charte de la laïcité qui interdirait le port de signes religieux chez les employés de l'État.

Rappelons que le rapport Bouchard-Taylor, déposé il y a deux ans, recommande que le port de signes religieux soit interdit aux juges, aux procureurs de la Couronne, aux policiers, aux gardiens de prison, aux président et vice-président de l'Assemblée nationale, mais permis aux enseignants, aux professionnels de la santé et aux autres agents de l'État. C'est ce qui fait dire au PQ que le projet de loi 94, «c'est moins que le rapport Bouchard-Taylor».