À trois jours de l'échéance qu'ils s'étaient donnée pour en arriver à une entente négociée, le Front commun et le gouvernement Charest tiendront ce soir une réunion au sommet pour tenter de débloquer les discussions.

La présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, a confirmé hier la tenue de la rencontre à ses bureaux de Québec. Les ministres de la Santé et de l'Éducation, Yves Bolduc et Michelle Courchesne, prendront part à la réunion sollicitée par les syndicats.La demande a été adressée hier, après un conciliabule des leaders syndicaux à Montréal. Du côté syndical, on souhaite mettre toute la pression possible sur Québec dans l'espoir d'un déblocage, qui est loin d'être évident aux tables sectorielles.

«Ce ne sera pas notre première rencontre et j'ai toujours dit que ma porte était ouverte pour nous donner toutes les chances en vue d'une entente négociée pour le 31 mars. Les enjeux sont trop importants. Il faudra toutefois que cette rencontre s'attaque aux priorités» a prévenu hier Mme Gagnon-Tremblay.

Le fameux «blitz de négociations» annoncé la semaine dernière par la présidente du Conseil du Trésor n'a pas été déterminant : les négociateurs patronaux n'avaient clairement pas de nouveaux mandats. L'annonce de ces négociations intensives, il faut le rappeler, était tombée à la veille d'une imposante manifestation des centrales à Montréal qui avait rassemblé plus de 75 000 personnes.

La question salariale sera réglée en dernier. Les centrales ont suggéré récemment de nouveaux modes de calcul, mais on estime de part et d'autre qu'une fois le normatif réglé, les discussions sur les salaires déboucheraient rapidement. Québec, qui tient à ce que la convention de cinq ans ne dépasse pas les 2,3 milliards de dollars, offre une augmentation totale de 7% (dont 5% en salaire). Les centrales, qui représentent 475 000 employés, demandent 11,2% en trois ans.

«Nous aborderons cette dernière ligne droite avec ouverture, mais serons conscients de nos responsabilités envers les contribuables et de notre capacité de payer dans le contexte difficile du retour à l'équilibre budgétaire», a dit la ministre Gagnon-Tremblay.

La FIQ rompt les négociations

Au cours des derniers jours, les pourparlers ont avancé aux tables de la fonction publique, et un peu aussi à l'éducation, mais vendredi soir, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a quitté la négociation et annoncé son intention d'enclencher un processus de médiation formel.

Le fossé entre les deux parties serait si grand que, déjà, le syndicat prépare sa politique sur les services essentiels qui seraient maintenus en cas de moyens de pression.

«Nous n'avons pas encore parlé de débrayage avec nos membres, mais pour ne pas se faire prendre, il faut fourbir nos armes, a déclaré samedi à La Presse la présidente de la FIQ, Régine Laurent. Nous avons été leurrés durant des semaines. Nous sommes allés à la table de négociations avec toute notre bonne volonté, mais le gouvernement ne précisait jamais comment il allait appliquer les principes qu'il proposait. Hier soir, le chat est sorti du sac!»

Le syndicat est déjà doté d'un mandat pour demander une médiation au moment «jugé opportun». Et «ce moment sera vite arrivé», a souligné Régine Laurent. L'arrivée d'un tiers à la table de négociations ne mettrait cependant pas le gouvernement «à l'abri de moyens d'action», a-t-elle ajouté. Pour la FIQ, les négociations achoppent sur plusieurs points, dont le recours aux agences privées d'infirmières. «Ils nous ont dit: la prohibition des agences privées, oubliez cela, on n'en parlera jamais.»

Les deux parties ne parviennent également pas à s'entendre sur des questions liées à l'organisation du travail. Au cours des dernières semaines, de petits groupes d'infirmières de quatre établissements du Québec ont refusé d'entrer au travail pour protester contre les heures supplémentaires obligatoires. En raison de la pénurie de main-d'oeuvre, des infirmières doivent parfois faire des quarts de travail de 16 heures.

Québec refuse de parler du contenu de l'offre déposée hier. «On ne veut pas négocier les enjeux sur la place publique», a déclaré l'attachée de presse du ministre de la Santé, Yves Bolduc, Karine Rivard, en précisant que les demandes de la FIQ se chiffraient à 2 milliards.