L'avocate retenue par le gouvernement Charest il y a deux ans pour présider le Tribunal administratif du Québec est associée, depuis longtemps, au Parti libéral.

Hélène De Kovachich était une partisane libérale en vue depuis plus d'une décennie quand elle a été nommée en 2006 «membre» du Tribunal administratif du Québec (TAQ), l'équivalent d'un poste de juge soumis aux mêmes comités de sélection qu'un magistrat et bénéficiant aussi d'une nomination à vie - jusqu'à 70 ans.

Des exemples, encore des exemples

La Presse a colligé une série de nominations de présidents d'organismes juridiques associés au PLQ ou au premier ministre Charest.

Denis Roy, président de la Commission des services juridiques, était au cabinet de M. Charest, qu'il avait suivi depuis Ottawa. Jacques Parent, responsable du Fonds d'aide au recours collectif, est associé depuis longtemps au Parti conservateur - il avait même dirigé son aile jeunesse. Normand Bolduc, nommé l'an dernier président du Conseil de la justice administrative, était l'ancien chef de cabinet du ministre Yvon Picotte. Il était devenu l'homme de confiance de Claude Ryan aux affaires municipales. «J'ai été membre bénévole pendant trois ans avant d'être nommé président», a-t-il expliqué mardi. Retraité de l'État, il est payé 378 $ par jour pour un maximum de 130 jours par année, pour ce poste à mi-temps.

Poste de prestige

Mais ces postes sont loin d'avoir l'importance et le prestige de celui qu'a confié le gouvernement Charest, en 2008, à Mme De Kovachich, nommée présidente du TAQ. Le Tribunal, à cause de la place qu'il occupe dans le paysage judiciaire québécois, fait d'ailleurs partie du mandat d'examen confié à l'ex-juge Michel Bastarache pour qui il convient de recentrer le débat sur les nominations de juges. Il faut, selon lui, faire la distinction entre une «nomination politique» et une nomination «partisane».

Mme De Kovachich avait été réélue conseillère au sein de l'Association libérale de Westmount, en 2004. Elle avait déjà été pressentie pour être candidate de Jean Charest, selon les reportages de l'époque. En 1999, elle faisait partie du comité mandaté par Jean Charest pour établir la position constitutionnelle du PLQ, un groupe dirigé par Benoit Pelletier, alors député.

L'année précédente, elle faisait partie des organisatrices d'événements de financement du Parti libéral du Canada pour susciter des candidatures féminines.

Campagne référendaire

Au printemps 1998, l'avocate faisait même partie de la brochette de jeunes libéraux qui avaient lancé une pétition pour convaincre Jean Charest de faire le saut en politique provinciale. Durant la campagne référendaire de 1995, elle avait organisé des rassemblements pour le Non. Elle s'en était prise publiquement à Lucien Bouchard, alors chef du Bloc québécois, quand il avait tenu des propos controversés sur la procréation et les Québécoises. M. Bouchard avait soutenu que les Québécois était «une des races blanches qui fait le moins d'enfants», et placé l'avenir du Québec, «une lourde responsabilité», sur les épaules des femmes. «Est-ce que M. Bouchard est en train de nous demander de devenir des pondeuses ?» avait-elle lancé.

Ce n'était pas ses premiers contacts avec la politique. En 1987, Mme De Kovachich avait travaillé au cabinet du ministre du Revenu, Yves Séguin. Sous le PQ, le président du TAQ avait été Gaétan Lemoine, fonctionnaire de carrière considéré comme proche du PQ ; Paul Bégin l'avait vite promu sous-ministre adjoint.

Débat exagéré?

À l'Assemblée nationale mardi, la ministre de la Justice, Kathleen Weil, faisait sa première sortie publique depuis vendredi. Elle avait alors révélé qu'elle consulte Jean Charest sur les candidats à la magistrature avant de faire sa recommandation au Conseil des ministres, une pratique qui a fait sourciller Me Bastarache. Elle a brillé par son absence au conseil général du PLQ de la fin de semaine. C'était en raison d'un «empêchement de nature personnelle», a-t-elle dit. Accusée par le PQ d'avoir permis à M. Charest de «dénaturer» le processus de nomination, Mme Weil s'est contentée de répondre que l'Assemblée nationale ne doit pas se transformer en «commission parallèle». Comme Jean Charest, elle s'en remet à la commission Bastarache qui «fera la lumière sur toutes ces questions».

Selon Henri Brun, constitutionnaliste de l'Université Laval, le débat sur l'intervention du premier ministre est exagéré. «Ça a besoin d'un recentrage. C'est une nomination du Conseil des ministres, il a à sa tête le premier ministre. Ce n'est certainement pas illégal que le premier ministre soit consulté», a-t-il dit. D'autres gouvernements ont pu développer des règles différentes, «mais on sait que le choix des juges est une décision politique. Dire que le premier ministre n'est pas dans le coup, ce n'est pas crédible».