Tony Tomassi s'est retrouvé une fois de plus dans l'embarras, mercredi, lorsque le Parti québécois lui a demandé si des entreprises appartenant à sa famille ont construit ou rénové des garderies subventionnées. Le ministre a refusé de confirmer ou d'infirmer cette allégation. Et au moment où la controverse sur les garderies bat son plein, le vérificateur général du Québec a décidé d'envoyer ses limiers au ministère de la Famille.

En commission parlementaire, lors de l'étude des crédits budgétaires du ministère, le député péquiste Nicolas Girard a martelé une question qui a semé le malaise dans le camp libéral. «Est-ce que le Groupe Genco ou une entreprise apparentée qui appartient à la famille du ministre a réalisé des travaux de construction ou de rénovation dans des garderies?» a-t-il demandé sans relâche.Tony Tomassi a répondu que «le ministre et le Ministère ne colligent pas cette information parce que c'est d'intérêt privé». Contrairement à un CPE dont la construction est financée par l'État, «chaque service de garde privé assume l'entièreté des coûts de construction», a-t-il expliqué. «Il a le droit de faire faire les travaux par n'importe qui. (...) Le Ministère n'est pas informé de quelque façon que ce soit.» Mais M. Tomassi a souligné plus tard que le ministère fait un suivi des travaux de construction pour s'assurer que ses normes sont respectées.

Tony Tomassi est l'actionnaire majoritaire du Groupe Immobiliare-Genco, une entreprise en «investissement immobilier», selon le registre des entreprises. Ses intérêts sont placés dans une fiducie sans droit de regard. Le père du ministre, Donato Tomassi - organisateur politique important -, est le président et l'actionnaire majoritaire du Groupe Genco. De 1997 à 2003, Tony Tomassi était le directeur général de cette entreprise, dont les activités sont décrites dans le registre des entreprises comme «entrepreneur général» et «restauration après sinistre». Un autre membre de la famille du ministre, Dino Tomassi, est président et actionnaire majoritaire des Entreprises de construction Genco. Selon nos vérifications, aucune de ces entreprises ne détient à l'heure actuelle une licence de la Régie du bâtiment. La Commission de la construction du Québec (CCQ) estime que les entreprises de construction Genco n'en auraient jamais eu et «ne semblent pas avoir été actives sur les chantiers au cours des 10 dernières années». Le Groupe Genco n'a plus de licence depuis août 2005, toujours selon la CCQ.

Nicolas Girard dit poser des questions sur le sujet à partir d'informations obtenues de «sources fiables». «Il y a des questions sur toutes les lèvres à Montréal par rapport aux entreprises Genco», a-t-il ajouté. Le député n'a pas exposé de cas concrets de garderies construites ou rénovées par les entreprises de la famille Tomassi. «Je poursuis mes recherches», a-t-il dit.

M. Girard a fait valoir que «des proches du ministre sont impliqués dans le scandale des garderies libérales». «Cinq cent cinquante places ont été attribuées à des organisateurs, des donateurs et des amis du ministre», a-t-il ajouté.

Analyse préliminaire

Il y a deux semaines, le vérificateur général Renaud Lachance a fait parvenir une lettre au ministère de la Famille annonçant son intention de mener des «travaux d'analyse préliminaire». Il s'agit de l'étape préalable à une enquête en bonne et due forme.

Le vérificateur général affirme qu'aucun lien n'existe entre le déclenchement de ces travaux et la controverse sur l'attribution des nouvelles places subventionnées aux garderies. «J'ai envoyé cette lettre pour deux raisons. C'est un ministère au budget important, plus de 2 milliards de dollars, et ça fait plus de 10 ans qu'on n'a pas conduit de vérification dans leur ministère», a-t-il expliqué, soulignant que son examen portera sur «l'ensemble des activités du ministère».

Le 19 mars, La Presse indiquait que le vérificateur envisageait de se pencher sur les allégations concernant l'existence d'un marché secondaire de revente de permis de garderies. Son bureau se disait interpellé par le nombre important de présumées irrégularités qui circulent sur l'attribution de places subventionnées.

De passage à Gatineau, Jean Charest a réitéré sa confiance en Tony Tomassi, dont la démission est réclamée par le PQ et l'Association des garderies privées. «M. Tomassi répond à toutes les questions en commission parlementaire. Il est un ministre qui a un ministère très important au niveau de la famille. Alors, oui, j'ai confiance en lui», a affirmé le premier ministre.

Avec la collaboration de Malorie Beauchemin