Le gouvernement Charest augmente année après année le nombre d'immigrants admis sans savoir si le Québec est capable d'accueillir et d'intégrer en emploi tous ces nouveaux arrivants. Et son processus de sélection des immigrants comporte d'importantes lacunes. Environ un dossier sur deux contient des erreurs d'évaluation ou des omissions, révèle le vérificateur général.

Dans un rapport déposé à l'Assemblée nationale hier, Renaud Lachance souligne que le ministère de l'Immigration «n'utilise pas d'indicateurs socioéconomiques pour cerner la capacité réelle du Québec à accueillir et à intégrer en emploi les nouveaux arrivants». Sans mesure ou évaluation, le gouvernement ne peut donc «s'assurer que la province est capable de supporter les hausses progressives des volumes d'immigration».

50 000 arrivants

Selon des données préliminaires, le Québec a accueilli tout près de 50 000 immigrants l'an dernier, environ 5000 de plus qu'en 2008. Il a ainsi atteint la cible maximale qu'il s'était fixée. Pour cette année, la cible se situe entre 52 500 et 55 000 immigrants.

Le vérificateur général s'est penché sur le processus de sélection des travailleurs qualifiés, qui représentent la majorité des immigrants admis. La grille de sélection sur laquelle repose l'évaluation d'une demande a une «efficacité limitée pour assurer un arrimage avec les besoins du marché du travail». «Elle repose davantage sur une évaluation du potentiel socioprofessionnel du candidat», comme l'âge et la formation, «que sur des possibilités concrètes d'emploi», ajoute-t-il.

Seulement 9% des candidats sélectionnés en 2009 avaient une formation dans un domaine que Québec privilégie. Et entre 2006 et 2008, 65% des travailleurs qualifiés sélectionnés n'ont obtenu aucun point pour le domaine de formation. Rappelons que la grille de sélection comporte différents critères (âge, formation, connaissance du français, expérience, adaptabilité) à partir desquels les candidats à l'immigration sont évalués. Certains critères, comme l'adaptabilité, sont trop subjectifs, selon le vérificateur général.

Comme le démontre Renaud Lachance, les nouveaux arrivants éprouvent de graves «problèmes d'intégration». Le taux de chômage des immigrants du Québec s'élevait à 13,7% en 2009 (7,6% dans la population native), contre 10,7% en Ontario. En 2007, le taux d'emploi des immigrants ayant fait des études universitaires était de 75,7% par rapport à 93% dans le reste de la population. Renaud Lachance fait un constat troublant après avoir analysé un échantillon de 91 dossiers de sélection traités entre le 1er janvier 2007 et le 28 février 2009. En extrapolant les résultats de son analyse, le vérificateur général arrive à la conclusion que de 40% à 57% de tous les dossiers de sélection comportaient des erreurs dans l'attribution des points de la grille de sélection ou ne contenaient pas tous les éléments nécessaires pour justifier les points attribués.

Surveillance

Le vérificateur général note également que les mécanismes de surveillance sont «déficients» pour détecter les faux documents ou les informations trompeuses.

«Il y a des choses à améliorer», a reconnu la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James. Elle a embauché récemment un «responsable du contrôle de la qualité» pour analyser le processus de sélection. Les conseillers en immigration seront convoqués à une rencontre pour «faire le point» et «éviter que des erreurs se produisent» dans l'évaluation des demandes d'immigration. La ministre a évoqué d'éventuels changements à la grille de sélection.