Chaque année, le gouvernement Charest dépense une fortune en contrats d'informatique, et une bonne part du pactole est octroyé à un trio d'entreprises.

Depuis 2004, selon les données colligées par La Presse sur les engagements de 24 ministères et organismes, Québec a dépensé 3,5 milliards pour 6900 contrats de technologie. Près de 2 milliards, soit plus de la moitié de la valeur des contrats, sont allés à trois grandes firmes : TELUS, DMR et CGI.

Les contrats à TELUS atteignent 959 millions pour un total de 157 contrats. L'entreprise, qui s'est retrouvée sur la sellette la semaine dernière pour son contrat de téléphonie avec la Ville de Montréal, a détrôné Bell il y a deux ans pour le gigantesque mandat du RITM, le réseau de données du secteur de la santé. Bell n'avait pas soumissionné devant les conditions posées par Québec. Or pour ce mandat de 923 millions, TELUS doit, à prix d'or, faire appel à son ancien compétiteur Bell, une situation embarrassante et coûteuse, similaire à ce qu'on a observé à la Ville de Montréal.

CGI (Conseil gestion informatique) a décroché 448 contrats pour une valeur de 483 millions. La firme de Serge Godin peut compter pour ses relations avec les gouvernements sur Renaud Caron, un apparatchik des officines du PLQ à l'époque de Robert Bourassa.

L'autre acteur important auprès du gouvernement est DMR. L'ancienne société québécoise est désormais la façade de Fuijitsu Conseil, une multinationale. DMR a obtenu 424 contrats pour un total de 430 millions. Elle aussi s'est retrouvée sur la sellette en décrochant un contrat de 47 millions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Insatisfaite du travail effectué, la CSST a mis fin au contrat et a voulu récupérer une partie des 30 millions payés inutilement. Or l'organisme a plutôt dû allonger 7 millions supplémentaires après une médiation où l'ex-premier ministre Lucien Bouchard représentait la firme informatique.

La loupe du Vérificateur

Depuis quelques années, le Vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, critique la gestion des contrats d'informatique par le gouvernement. Il écorchait récemment le Dossier santé Québec, un contrat totalisant 300 millions lancé par le ministère de la Santé, qui est bien loin d'atteindre les résultats attendus. Il a aussi soulevé des questions sur les programmes de modernisation de la Commission administrative des régimes de retraite (CARRA) et le programme Sagir, l'ambitieux projet de base de données qui a remplacé le désastre de GIRES où 200 millions de Fonds publics avaient été dépensés en pure perte.

L'automne prochain, le Vérificateur compte déposer un rapport déterminant sur le système d'octroi des contrats d'informatique. Au moment de lancer l'enquête, Renaud Lachance soulignait que «il y a des projets informatiques qui ont l'air de coûter plus cher que prévu. Nous pourrions regarder s'il n'y a pas un problème plus global».

De nouvelles règles

Devant l'opération du Vérificateur, le Conseil du Trésor a, semble-t-il, voulu agir de façon préventive avec une directive bien plus restrictive sur les mandats d'informatique, au début de mars.

Les ministères et organismes devront désormais préciser leurs projets et obtenir le feu vert du Trésor, pour leurs projets dans le secteur des technologies, les «ressources informationnelles» à chaque début d'année financière. Et les rapports annuels devront comporter un volet spécifique sur les réalisations en matière d'informatique. Marie-Ève Doyon, porte-parole de la ministre responsable des services gouvernementaux, convenait hier que, chaque année, Québec dépense en tout environ 1,2 milliard en technologie - contrats d'entretien, de développement ou «hardware».

- Recherche par William Leclerc