Craignant l'obstruction systématique de l'opposition, le ministre des Finances, Raymond Bachand, menace de recourir au bâillon pour faire adopter d'ici à vendredi le projet de loi qui met en oeuvre les mesures contenues dans son budget.

Lors d'un bref point de presse mardi, il a affirmé que le projet de loi 100 devait être adopté avant l'ajournement des travaux parlementaires, cette semaine, quitte à utiliser le bâillon pour mettre fin aux débats avec l'opposition. Il y va selon lui de la «crédibilité» et de la «stabilité» des finances publiques du Québec.

L'opposition peut faire objection à des éléments du projet de loi - comme la fameuse contribution santé - mais, «dans la démocratie positive», elle ne doit pas «paralyser l'Assemblée nationale», a-t-il dit.

«La démocratie, à un moment donné, surtout quand il s'agit d'un budget et de sa mise en oeuvre, c'est d'exprimer son opposition et de laisser les finances de l'État se faire comme le gouvernement le décide.»

Selon lui, l'opposition a retardé les travaux parlementaires la semaine dernière. Si elle utilise des mesures dilatoires, «le gouvernement prendra les moyens pour que le projet de loi soit adopté», c'est-à-dire la «procédure législative d'exception». Communément appelée le bâillon, cette procédure permet d'adopter un projet de loi en quelques heures, à la suite de débats écourtés.

Raymond Bachand refuse de faire des compromis «sur le fond des choses» en vue d'atténuer l'opposition des autres partis. Il dit avoir accepté trois amendements, plutôt techniques, jusqu'à maintenant.

En plus de la contribution santé de 50$ par année (qui passera éventuellement à 200$) pour tous, le projet de loi 100 prévoit l'indexation des tarifs des services publics le 1er janvier et diverses compressions budgétaires. Par exemple, Québec demande aux sociétés d'État et aux organismes publics de réduire de 25% dès cette année leurs dépenses de publicité, de formation et de déplacement.

Raymond Bachand utilise cette mesure comme exemple pour justifier la nécessité d'adopter le projet de loi au plus vite. Les sociétés d'État et les organismes publics «doivent présenter un plan en septembre. On a besoin d'une loi pour ça. On a un pouvoir sur les fonctionnaires mais, pour les organismes publics, il faut une loi. Et on ne demande pas à quelqu'un de refaire son budget huit mois après le début de l'année financière», ce qui arriverait si le projet de loi n'était adopté qu'à l'automne, a-t-il expliqué. Au surplus, «l'indexation des tarifs, il faut le décider aujourd'hui, parce que l'ensemble des organisations doivent refaire leurs analyses. On parle de quelque chose pour le 1er janvier, donc les analyses doivent se faire cet automne».

Le ministre a cependant reconnu qu'une mesure comme la contribution santé peut entrer en vigueur le 1er juillet avec la publication d'un bulletin fiscal. L'adoption du projet de loi n'est pas nécessaire.

Le Parti québécois se défend de faire de l'obstruction systématique. «On ne bloque pas; les députés posent des questions», a affirmé son leader parlementaire, Stéphane Bédard. Il a souligné que le projet de loi 100 met en évidence des «différences idéologiques» entre le gouvernement et l'opposition.

Stéphane Bédard doute qu'il y ait urgence d'adopter le texte législatif du ministre Bachand. Selon lui, un tel projet de loi a déjà été adopté un an et demi après le dépôt d'un budget.

Les débats se poursuivent en commission parlementaire au sujet du projet de loi 48 sur le code d'éthique des députés de l'Assemblée nationale. Rappelons que le premier ministre Jean Charest a décidé de renoncer au salaire d'appoint que lui verse son parti dans l'espoir de faire adopter le projet de loi avant le 11 juin. Or, la chose est loin d'être acquise. Il est toutefois exclu que ce projet de loi soit adopté sous le bâillon. Aujourd'hui, le ministre Jacques Dupuis a décoché quelques flèches vers Stéphane Bédard, à qui il a reproché de retarder l'étude du projet de loi. Le leader parlementaire du PQ a rétorqué que le gouvernement avait attendu huit mois avant de ramener le projet de loi en commission parlementaire pour en faire l'étude détaillée.