Pauline Marois veut avoir les coudées franches. Pas question de fixer un échéancier pour la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec. La liste des revendications d'un gouvernement péquiste à l'endroit d'Ottawa est très longue, mais samedi, la chef péquiste n'a pas voulu préciser la stratégie de son gouvernement s'il se heurtait à un mur du côté fédéral.

Rendue publique samedi, la «proposition principale», qui servira de canevas au prochain programme péquiste adopté au congrès d'avril 2011, propose simplement que la souveraineté soit réalisée «à la suite d'une consultation par référendum tenue au moment jugé approprié par le gouvernement». «On se garde toute la liberté d'action, c'est la position que je défends depuis que je suis revenue au Parti québécois», a dit Mme Marois, rappelant que son plan d'action avait été adopté à l'unanimité. «Je me sens assez solide là-dessus», a-t-elle dit.Pour elle, «le référendum important, celui qu'on veut tenir, doit porter sur la souveraineté». La stratégie des «référendums sectoriels» pour revendiquer des compétences précises n'est pas écartée, mais ce n'est pas la voie «privilégiée», a prévenu la chef péquiste. Le document péquiste prévoit le recours au «nonobstant» et même «l'adoption de modifications constitutionnelles» - des résolutions de l'Assemblée nationale, des recours aux tribunaux plutôt que des «gestes de rupture» préconisés par l'aile orthodoxe du PQ.

Élu, le PQ «utilisera tous les moyens à sa disposition pour mettre fin aux ingérences du gouvernement fédéral dans les domaines de l'éducation, de la culture, des programmes sociaux de la santé et de toute autre compétence exclusive du Québec», lit-on dans le document. «Notre objectif est de faire avancer le Québec, pas de provoquer des crises. Pour avancer, le Québec a besoin de pouvoirs», a soutenu la chef péquiste.

Curieusement, les 300 militants péquistes réunis samedi pour le dévoilement de cette plateforme n'ont eu accès au texte de la proposition qu'après une longue présentation, enthousiaste, du président de la commission politique du PQ, Daniel Turp, et du président du parti, Jonathan Valois. Il s'agissait, a expliqué la chef péquiste, de permettre à l'assistance de se concentrer sur la présentation; les circonscriptions auront amplement le temps de débattre du texte d'ici au congrès.

L'ex-syndicaliste Marc Laviolette, président de l'association de Jacques-Cartier, ne cachait pas sa déception. «Il faut que nos revendications soient claires. C'est très décevant, on nous présente un programme de gérance provincialiste. Si on calcule le coût des politiques sociales qu'il y a là-dedans, il va falloir aller chercher l'argent à Ottawa, il faut le dire, sinon, si on gère une province comme souverainiste, on se fait haïr à temps complet», a lancé M. Laviolette. Selon lui, le PQ devrait dire clairement ce qu'il demandera et prévenir qu'il en appellera au peuple en cas de refus d'Ottawa.

Dans son texte de samedi, plutôt vague, le PQ propose «d'assumer pleinement tous les pouvoirs» et de «repousser à sa limite le carcan constitutionnel canadien». On promet, sans préciser, qu'on utilisera «tous les moyens politiques et juridiques» nécessaires, tels le recours à la clause dérogatoire et l'adoption de modifications constitutionnelles.

Comme l'a indiqué La Presse il y a deux semaines, le texte propose d'imposer la loi 101 au collégial - les francophones et les allophones ne pourraient aller au cégep en anglais, une disposition applaudie par les délégués. En revanche, les collèges francophones devront offrir aux étudiants qui le demandent un trimestre d'immersion en anglais, et les cégeps anglophones devront offrir l'immersion en français. Le PQ compte réduire les subventions aux écoles privées qui refusent d'intégrer des élèves en difficulté d'apprentissage et couper les vivres à celles dont l'enseignement s'appuie avant tout sur la religion. On appliquera aux entreprises qui comptent de 11 à 49 employés les dispositions de la Charte de la langue réservées jusqu'ici aux firmes qui ont plus de 50 salariés. Les cours d'histoire nationale au secondaire seront revus et les écoles passerelles seront éradiquées.

Un gouvernement du PQ déclencherait la fameuse enquête sur l'industrie de la construction et ramènerait à 500$ le plafond des contributions aux partis politiques, actuellement de 3000$.

Le caractère vague des engagements du PQ a donné samedi plus de poids aux déclarations de Jacques Parizeau, publiées dans The Globe and Mail. Selon lui, trop de souverainistes souhaitent d'abord prendre le pouvoir et proposent un agenda de «bon gouvernement» plutôt que de préparer la souveraineté du Québec. «Nous faisons aujourd'hui la meilleure preuve qu'on prépare l'indépendance. J'échange régulièrement avec M. Parizeau, je sens plutôt un appui de sa part. M. Parizeau est toujours impatient, c'est normal, nous le sommes aussi», a dit Mme Marois.