La preuve est maintenant faite que des entreprises se servent de prête-noms pour financer illégalement les partis politiques québécois.

En 2006, 2007 et 2008, la firme montréalaise de génie-conseil Axor a versé au total pour 152 500 $ de contributions illégales aux partis politiques, essentiellement au Parti libéral du Québec (PLQ), qui a reçu la plus grosse part du gâteau, soit 113 500 $.

Après enquête du Directeur général des élections (DGE), Axor a reconnu sa culpabilité à 40 infractions à la Loi électorale, qui stipule que seuls les citoyens, à titre personnel, peuvent financer les partis politiques.

L'admission d'Axor a été rendue publique jeudi par le bureau du DGE, qui avait donné suite à une enquête menée en mars par Québec solidaire et le député de Mercier, Amir Khadir, sur des pratiques illégales de financement des partis politiques par les firmes de génie-conseil.

Selon lui, l'admission d'Axor rend plus essentielle que jamais la tenue d'une enquête publique sur le financement des partis politiques.

«C'est une honte», a-t-il dit en entrevue téléphonique, en dénonçant la «corruption» et le «trafic d'influence» entre des firmes à la recherche de contrats gouvernementaux et le PLQ, qui est au pouvoir.

Le premier ministre Jean Charest ne pourra plus se défiler, selon lui, et éviter une enquête, sous prétexte que rien ne prouve une dérive dans le financement des partis. «Là, il y a une preuve», a-t-il dit.

La direction d'Axor s'est quant à elle refusée à tout commentaire. Dans un bref communiqué, la firme déplore «l'ambiguité» de la loi électorale et dit avoir fait preuve de transparence pendant l'enquête du DGE.

Ayant reconnu sa culpabilité, Axor a dû verser 87 000 $ d'amendes.

Quant à eux, les partis politiques devront rembourser les sommes reçues illégalement. Le remboursement atteindra 113 500 $ au Parti libéral du Québec, 34 000 $ au Parti québécois (PQ) et 5000 $ à l'Action démocratique (ADQ).

Pour les dons faits en 2006 et 2007, les sommes seront retournées à Axor, tandis que les contributions de 2008 iront au ministère des Finances, la loi ayant été changée.

L'enquête de Québec solidaire touchait aussi les firmes de génie-conseil SNC-Lavalin, BPR et Cima +.

Cependant, dans le cas des employés de ces firmes interrogés par le DGE, tous ont attesté que leurs contributions provenaient de leurs revenus personnels et ont affirmé ne pas avoir reçu d'argent en contrepartie de leur employeur.

Appelé à réagir à la nouvelle, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Claude Béchard, a tenté de minimiser les bénéfices obtenus par sa formation politique, le PLQ, faisant valoir que le PQ et l'ADQ étaient aussi éclaboussés.

Si le PLQ a reçu plus d'argent, c'est «peut-être parce qu'il fait plus d'activités de financement ou qu'il est au gouvernement», a-t-il évoqué, lors d'un entretien téléphonique depuis Winnipeg, où il participait à une réunion du Conseil de la fédération.

«Il y a beaucoup d'activités de financement et les entreprises vont à des activités de financement, a-t-il dit, que ce soit les nôtres, celles du PQ ou de l'ADQ, et on ne peut pas savoir comment elles préparent leurs choses.»

Le projet de loi 78, actuellement à l'étude, sera la soluton au problème des prête-noms, selon lui.

Ce projet de loi, qu'il pilote, dissuadera les entreprises de recourir à la pratique des prête-noms grâce à l'imposition de sanctions plus sévères, croit-il.

«En vertu de la nouvelle loi, cette entreprise (Axor) serait privée de contrats gouvernementaux pour cinq ans, a illustré M. Béchard. Et c'est unique au Canada. On aura la loi la plus stricte.»

Cette nouvelle législation vise à redonner à la population confiance en ses institutions, mais aussi à dissiper la perception selon laquelle donner de l'argent à un parti est criminel, a-t-il ajouté.

Il a dit souhaiter que le projet de loi sera adopté à l'automne.

Mais «la plus parfaite des lois va être contournée un jour ou l'autre si la classe politique qui est au pouvoir ne change pas ses pratiques», a répliqué M. Khadir, en réclamant une enquête publique.