Pour «la protection de l'image du Québec à l'étranger,» la ministre Christine St-Pierre va défendre bec et ongles cette semaine le droit des francophones d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise.

La ministre responsable de la Charte de la langue française se retrouvera sous les feux de la rampe à compter de mercredi alors que se tiendront les auditions publiques sur le controversé projet de loi 103.

Ce projet de loi accorde aux écoliers francophones et allophones le droit d'intégrer le réseau scolaire public anglophone pour autant qu'ils aient fréquenté un établissement privé anglophone non subventionné pendant au moins trois ans.

Il introduit également une grille d'analyse pour juger du «parcours authentique» de l'élève vers le réseau de langue anglaise.

«On interdit les écoles-passerelles, on interdit qu'une école se lance dans ce genre de business et on ferme le plus possible le robinet», a dit Mme St-Pierre, en entrevue exclusive à La Presse Canadienne.

Mais pour le Parti québécois, le Bloc, le mouvement nationaliste et les grandes centrales syndicales, la ministre St-Pierre abandonne la défense du français au profit d'un système d'enseignement «à deux vitesses» permettant aux parents fortunés «d'acheter» pour leur progéniture le droit constitutionnel de fréquenter l'école anglaise.

La coalition d'organismes et le Parti québécois pressent donc le gouvernement Charest d'interdire purement et simplement l'accès des francophones et des immigrants au réseau anglophone en appliquant la loi 101 aux établissements privés non subventionnés.

Pour se prémunir contre d'éventuelles constestations judiciaires, le PQ exhorte le gouvernement de recourir à la clause dérogatoire prévue à la Constitution.

Une telle solution, aux yeux de la ministre, est impensable car «radicale» et susceptible d'entacher l'image du Québec à l'étranger.

«La position de l'autre côté, ce n'est pas de travailler sur le projet de loi lui-même et de voir comment on peut le bonifier. Ils sont dans leur logique radicale de suspension des libertés fondamentales», a soutenu Mme St-Pierre.

«Ils nous demandent de faire ce qu'ils n'ont pas voulu faire quand ils étaient au pouvoir, conscients de l'impact sur la scène internationale. Quand tu prétends vouloir faire un pays, tu ne vas pas te promener en disant que tu vas brimer, dans certains cas, les libertés fondamentales. Tout le débat est là. C'est la protection de l'image du Québec à l'étranger», a-t-elle poursuivi.

La ministre se dit prête à écouter les suggestions de l'opposition pour améliorer le projet de loi, notamment au chapitre des critères inclus dans la grille d'analyses et sur la durée du séjour requis pour un élève dans un établissement anglophone privé non-subventionné.

Cependant, il est hors de question de suspendre «les droits fondamentaux des Canadiens et des Québécois», a prévenu Mme St-Pierre.

«Le PQ parle de clause dérogatoire mais qu'est-ce que cela signifie? Il berne les militants et les Québécois puisqu'ils ne donnent pas le vrai portrait. Faisons un sondage pour demander aux Québécois s'ils souhaitent la suspension des libertés individuelles. Je ne suis pas sûre que la réponse va être oui», a-t-elle dit.

Déposé en juin à l'Assemblée nationale, le projet de loi 103 fait suite au jugement rendu en octobre 2009 par la Cour suprême du Canada invalidant la loi 104, adoptée en 2002 sous le gouvernement péquiste.

Cette loi avait pour objectif de colmater une brèche dans la loi 101 et mettre fin au phénomène des écoles-passerelles, des établissements dont la seule raison d'être était de faire «passer» des élèves francophones et allophones au réseau anglophone subventionné.

Entre 1997 et 2002, près de 5000 élèves ont pu profiter de ces établissements-passages.

Tout en reconnaissant que les écoles-passerelles constituaient un «problème», la Cour suprême estimait que les moyens utilisés par Québec pour y mettre fin étaient «excessifs».

La Cour suprême avait alors accordé un sursis d'un an au gouvernement québécois pour trouver une solution qui respecte la Charte canadienne des droits et libertés.

Une quarantaine de mémoires ont été présentés en prévision des audiences publiques.