À la surprise générale, le gouvernement Charest divise en cinq le projet de loi sur le financement des partis politiques qu'il a déposé il y a un an. C'est pour «faire oeuvre pédagogique» et «bien montrer à la population» cette refonte «majeure», plaide le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Marc Fournier.

L'opposition est en furie. Elle accuse les libéraux de faire preuve d'improvisation et de retarder l'adoption de mesures pour assainir les moeurs politiques.

À l'Assemblée nationale mercredi, le ministre Fournier a déposé l'un de ces cinq nouveaux projets de loi. Il augmente les pouvoirs du Directeur général des élections (DGE). Fait nouveau par rapport au document initial, le projet de loi prévoit que toute contribution de plus de 100$ destinée à un parti politique devrait être versée par chèque au DGE, qui remettrait ensuite la somme au parti concerné.

Le DGE émettrait le reçu pour fins d'impôt. Afin de mener à bien ses vérifications, il pourrait accéder à certains renseignements du dossier fiscal du donateur détenu par Revenu Québec, qui administre le crédit d'impôt pour contributions politiques. L'identité de tout contributeur serait rendue publique peu importe la somme versée, et non plus à partir de 200$. Toute contribution de plus de 100$ - plutôt que 200$ à l'heure actuelle - devrait être faite par chèque.

Dans un autre projet de loi, le gouvernement précisera que tout donateur devrait certifier par écrit que sa contribution est faite volontairement, à partir de ses propres biens, sans compensation ni contrepartie. L'initiative a pour but de contrer le recours aux prête-noms pour financer illégalement un parti.

Le DGE n'est pas exaucé

Le projet de loi répond en partie seulement aux voeux du DGE, qui réclamait de gérer lui-même le crédit d'impôt et d'avoir le contrôle sur toute l'administration des contributions. Le gouvernement n'a pas voulu mettre en oeuvre cette recommandation en raison de son coût élevé, a expliqué Jean-Marc Fournier, soulignant que Revenu Québec a déjà tout ce qu'il faut pour administrer les crédits d'impôt. Il a reconnu que le DGE n'avait déjà pas les ressources nécessaires pour exercer les nouveaux pouvoirs prévus dans le projet de loi. Il s'attend à ce que le DGE réclame un budget supplémentaire à l'Assemblée nationale.

Les cinq projets de loi remplaceront celui qui avait été déposé il y a un an et dont l'étude détaillée avait commencé le printemps dernier. Environ 80 amendements avaient été présentés. Un différend portait sur la contribution maximale permise; le PQ demande de faire passer de 3000$ à 500$.

«Oeuvre pédagogique»

Les cinq documents reprendront les dispositions du projet de loi initial, y compris les amendements présentés, et contiendront des suggestions faites par les différents partis et le DGE. Le gouvernement «veut faire oeuvre pédagogique», a dit Jean-Marc Fournier pour justifier sa stratégie. L'objectif est «de mieux faire comprendre» et «de bien montrer à la population» cette «refonte majeure des règles de financement».

Le Ministère espère faire adopter les cinq projets de loi avant Noël, arguant que 95%, voire 98% des mesures faisaient partie du projet de loi initial. Or un embouteillage se profile à la commission parlementaire. Celle-ci a déjà sur la table le projet de loi sur le code d'éthique des députés - déposé il y a un an et demi - et celui sur le port du voile intégral - déposé en mars.

Sans se prononcer sur le fond du projet de loi, l'opposition a condamné la stratégie du gouvernement. «On a affaire à des fourberies de Fournier!» a lancé le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard. «C'est ridicule, amateur et irresponsable.»

Selon lui, l'objectif du gouvernement est de «retarder l'adoption des mesures». «Les Marc Bibeau, Fava, Rondeau et tous les autres financiers du Parti libéral peuvent se réjouir. Ils ont gagné. Le patron les a entendus.» «On recommence à zéro» alors que l'étude du projet de loi 93 se déroulait bien, a-t-il ajouté. Le PQ estime que le gouvernement multiplie les projets de loi pour faire oublier son refus de tenir une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction

Le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, a affirmé que le gouvernement «manque de respect envers les institutions» et fait preuve «d'improvisation».

L'opposition prête au gouvernement de «fausses intentions», a répliqué Jean-Marc Fournier. «Je suis surpris qu'on veuille lancer la discussion sur les mesures en s'arrêtant sur la plomberie parlementaire plutôt que sur le fait qu'on a accepté les suggestions qui venaient de l'opposition.»

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