C'est une enquête sur une «tentative de corruption» qu'a amorcée mardi la Sûreté du Québec sur la base des allégations des députés Serge Ménard et Vincent Auclair qui ont affirmé que le maire Gilles Vaillancourt leur avait offert de l'argent pour leur campagne électorale.

Le gouvernement Charest souhaite que le maire Vaillancourt se retire de ses fonctions pour la durée de cette enquête. «Les députés de Laval, unanimement, croient que le maire Vaillancourt devrait quitter ses fonctions temporairement le temps que lumière soit faite», a soutenu mardi soir à La Presse Guy Ouellette, député de Chomedey et président du caucus lavallois. Plus tôt à l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, avait soutenu que le maire Vaillancourt avait «une réflexion à faire» étant donné la gravité des allégations.

Selon le premier ministre Charest, le député libéral de Vimont, Vincent Auclair, aurait dû prévenir la police dès 2002, quand le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, a soi-disant offert de l'argent liquide pour sa campagne, une contravention très claire à la Loi électorale. «Il aurait dû en parler», a tranché mardi le premier ministre Jean Charest, à l'entrée de la réunion du caucus de ses députés.

Selon lui, les révélations de MM. Ménard et Auclair «sont très sérieuses et troublantes». «M. Auclair aurait dû nous informer. Quand on rencontre les candidats avant les élections, on leur demande de façon générale s'il y a des choses dont on devrait être informés.» M. Auclair était en campagne électorale pour une complémentaire dans Vimont en juin 2002 quand le maire lui a offert «l'enveloppe blanche» qu'il a repoussée. Il était de nouveau candidat aux élections générales du printemps suivant et n'en a pas soufflé mot.

Plus tôt, le député libéral de Vimont, Vincent Auclair, avait soutenu que le maire Vaillancourt lui avait offert une enveloppe «pour l'aider dans une campagne difficile», lors de sa première élection, en 2002. Il avait mordu la poussière aux mains du candidat adéquiste le 17 juin. La rencontre en soirée au bureau du maire avait eu lieu «en mai ou juin». Il reconnaît ne pas avoir vérifié que l'enveloppe contenait bien de l'argent, mais les commentaires du maire quand il la lui avait tendue ne laissent pas de doute.

M. Auclair a refusé sur-le-champ cette proposition. «Ma femme m'a toujours dit: «Tu t'en vas en politique, mais ce n'est pas pour que j'aille te porter des oranges»», a-t-il lancé. Il n'en a pas parlé à l'époque, a-t-il dit, parce que, «à partir du moment où j'avais refusé, l'incident était clos». Par la suite, ses rapports avec le maire de Laval furent colorés par cette rencontre. «Je n'ai jamais été buddy-buddy avec lui», a soutenu le député.

M. Auclair a été joint mardi matin par Denis Morin, responsable de l'opération Marteau, chargée d'enquêter sur les crimes économiques associés au monde de la construction. Refusant les appels des journalistes, la SQ y est allée d'une déclaration laconique. «Chaque fois que des informations sont soulevées concernant de la malversation ou de la corruption, la Sûreté du Québec valide ces allégations et mène les enquêtes requises.»

À l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a fait savoir que Québec allait ajouter 15 inspecteurs sur le terrain aux effectifs de Marteau, portés à environ 80 enquêteurs. Cela représente un ajout budgétaire de 7 millions de dollars sur trois ans. Avec les fonctionnaires du Revenu et des Transports, on compte désormais 500 personnes qui enquêtent sur les activités de l'industrie de la construction. Du côté des Affaires municipales, le porte-parole du ministre Laurent Lessard, Sylvain Bourassa, a expliqué que l'avenue de la mise en tutelle de la municipalité n'était pas envisageable; la loi précise que cette disposition s'enclenche quand la municipalité ne peut plus fonctionner. Il y a quelques semaines, les Affaires municipales avaient entrepris une vérification à Laval, mais il s'agit d'une opération prévue depuis l'an dernier - plus de contrôle sur les villes de la région métropolitaine -, une opération totalement indépendante des révélations de Radio-Canada.

Selon le Directeur général des élections, il n'y a rien à faire avec les révélations de MM. Ménard et Auclair. «Il n'y a pas dans notre loi de disposition touchant les tentatives de contribution illégale», explique Audrey Garon, porte-parole de Marcel Blanchet, le DGE. «Ce n'est pas notre loi qui peut s'appliquer, pour nous le dossier est clos», a-t-elle soutenu.

Courchesne choquée

Jean Charest semblait un peu agacé par les années de mutisme de son député. «Je lui laisserai le soin d'expliquer pourquoi il n'en a pas parlé avant. Il aurait dû, M. Ménard aussi», a dit M. Charest. Le gouvernement libéral a fait une rapide vérification auprès des autres élus de la région de Laval, et personne n'a relevé de circonstances similaires.

«Depuis le début des années 80, on entend des choses, Laval est une ville qui a grossi rapidement. Mais M. Vaillancourt ne m'a jamais offert d'argent et je n'ai jamais entendu quoi que ce soit touchant mes collègues», a soutenu Lise Bacon, ex-sénatrice, longtemps ministre du PLQ dans Chomedey.

Les députés actuels étaient aussi surpris. Ex-policier, Guy Ouellette, député libéral de Chomedey, circonscription de Laval, n'a pas voulu blâmer son collègue Auclair. Mais, dans des circonstances identiques, «il est sûr que si j'avais été placé dans une situation particulière, en regard de ma situation antérieure, j'aurais dénoncé sur-le-champ», a soutenu M. Ouellette.

Michelle Courchesne, députée de Fabre et ministre responsable de la région de Laval, était visiblement secouée. Elle a martelé que «jamais, jamais, jamais» le maire ne lui avait proposé de l'argent. Elle n'avait pas davantage entendu parler de telles démarches auprès de collègues.

«Je trouve ça choquant, vous n'avez pas idée. C'est extrêmement troublant», a-t-elle dit, la voix brisée. Mme Courchesne avait déjà siégé comme conseillère municipale avec le maire Claude Lefebvre, prédécesseur de Gilles Vaillancourt.