Fort de sa majorité, le gouvernement Charest a traversé mercredi un vote de confiance à l'Assemblée nationale. Mais il en va tout autrement dans la population. Massivement, les Québécois soutiennent ne pas faire confiance à Jean Charest pour couper les liens entre l'industrie de la construction et la mafia.

Plus encore, jugés à l'aune de l'honnêteté, l'ensemble des chefs de parti ne passent plus le test au Québec. «La crise de confiance éclabousse toute la classe politique», constate la maison CROP dans son enquête mensuelle qu'elle a livrée mercredi soir à La Presse.

Le sondage, réalisé du 17 au 22 novembre derniers auprès de 1000 internautes, révèle que 81% des Québécois font «peu ou pas du tout» confiance à Jean Charest pour «redresser la situation» dans le secteur de la construction - une personne sur cinq seulement est d'avis contraire. Même 27% des électeurs libéraux se placent dans le camp des sceptiques. Chez les supporters des autres partis, on dépasse les 90% de répondants qui croient que l'affaire est entendue; le premier ministre Charest ne pourra rétablir le cap.

«Le verdict est sévère, mis à part les libéraux, très peu de personnes font confiance à Jean Charest», observe Youri Rivest, vice-président chez CROP. Cette question est très polarisée, même si les Québécois n'ont pas tendance à se masser aux extrêmes, on trouve que plus de 70% des gens qui ne sont pas libéraux ne font «pas du tout» confiance à leur premier ministre.

En meilleure posture, Pauline Marois ne peut toutefois pas pavoiser. Seulement 36% des gens lui font confiance pour faire le ménage attendu dans la construction. Pour 64% des gens, elle aussi inspire «peu ou pas du tout» confiance. Si on ne tient pas compte de ses appuis péquistes, qui estiment à 78% qu'elle peut redresser le cap, c'est plus de 80% des Québécois qui tournent le dos à la chef péquiste.

Pour Youri Rivest, ces résultats montrent que Mme Marois ne peut capitaliser beaucoup sur cette question du ménage dans la construction. «Ce n'est pas elle qui peut porter ce thème, on ne la perçoit pas comme capable de régler le problème. Cette question ne lui permet pas d'aller chercher des appuis dans les autres partis ou d'aller convaincre les indécis», résume le spécialiste.

Personne d'honnête

Une réponse surtout frappe les politiciens au coeur. Quand on demande lequel des actuels chefs de parti est le plus honnête, pas moins de 38% des gens répliquent «aucun» et 22% soutiennent n'en rien savoir.

C'est six personnes sur dix qui, spontanément, ne peuvent apposer un sceau de probité sur les noms des chefs de parti. Quand on demande lequel des chefs «est le plus honnête», 12% optent pour Pauline Marois, 11% choisissent Françoise David, et 10% penchent en faveur de l'adéquiste Gérard Deltell. Le premier ministre Charest n'est choisi que par 6% des répondants.

Seulement 34% des péquistes et 31% des libéraux jugent que le chef de leur propre parti est le plus honnête - Gérard Deltell obtient de meilleurs résultats sous cet angle, 55% des adéquistes misent sur lui. «Normalement si on appuie un parti, on pense que notre chef est honnête. Or une fois sur trois, ce n'est pas le cas, c'est ce qui fait conclure à une crise de confiance», observe M. Rivest.

En près de 20 ans d'observation de l'opinion publique, M. Rivest avoue ne pas se souvenir de précédent. «Les gens n'écoutent même plus les politiciens, tant Jean Charest que Pauline Marois, ils ne peuvent plus communiquer, les gens ne syntonisent plus la fréquence», résume le vice-président de CROP. «L'honnêteté, c'est la capacité de communiquer et de convaincre, et là, c'est absent. Personne ne se démarque, personne ne peut espérer se faire élire avec le flambeau de l'honnêteté. Il y a toujours un cynisme ambiant, mais à ce point, je n'ai jamais vu cela», résume-t-il.

Quand on demande aux personnes sondées à qui elles font confiance, sans mentionner l'honnêteté, Mme Marois fait meilleure figure avec 20% d'appuis, suivie de très loin par Jean Charest avec un famélique résultat de 9%, un point derrière Gérard Deltell.

L'Assemblée nationale était partagée mercredi sur la question d'une enquête publique. Dans la population, l'affaire est entendue, 65% des Québécois croient qu'une enquête publique est préférable à l'avenue de continuer avec les enquêtes policières. Si on ne tient pas compte des partisans des libéraux majoritairement en faveur de la filière policière, à 67%, c'est les trois quarts des Québécois qui optent pour une enquête publique, observe le spécialiste de CROP. Un libéral sur trois préférerait tout de même une enquête publique, en dépit de la voie tracée par le chef du parti.

Un constat récurrent; les Québécois estiment vivre dans une «province corrompue», une photo similaire à celle rendue par Angus Reid la semaine dernière. Ainsi, 83% des gens jugent que le Québec est très ou assez corrompu, seulement 17% croient l'inverse.

Si on fait abstraction des électeurs libéraux, plus cléments envers les moeurs politiques québécoises - 65% voient de la corruption -, c'est toujours près de 9 personnes sur 10, «un consensus», qui jugent irrémédiablement malhonnête le secteur de la construction, du financement des partis politiques et de l'administration municipale. «Cela renvoie les Québécois à une image d'eux-mêmes qui est très négative», observe M. Rivest.