«Les Québécois sont dégoûtés, ils sont écoeurés par tant de magouilles et de cachotteries», pestait Pauline Marois hier avant le vote sur la motion censure.

Elle demandait aux élus de retirer leur confiance au premier ministre et au gouvernement libéral à cause de «son refus obstiné de déclencher une enquête publique et indépendante sur l'industrie de la construction, sur l'octroi de contrats publics, de permis ou de subventions ainsi que sur le financement politique».

Comme le gouvernement est majoritaire, la motion a été défaite sans surprise. Le résultat du vote : 57 pour, 61 contre.

«C'est le pire premier ministre qu'on a eu depuis 30 ans», fulminait Mme Marois peu après en conférence de presse.

La chef du PQ se tourne maintenant vers Kamouraska-Témiscouata, où se déroulera lundi prochain une élection partielle. Elle demande à ces électeurs de «relayer les attentes de la population du Québec» et voter contre les libéraux.

Or, la commission d'enquête n'est pas un enjeu central de cette campagne et le PQ ne réussit pas à devancer les libéraux, selon un sondage CROP publié dans La Presse mardi dernier.

Le premier ministre Charest avait retardé sa visite officielle en France pour participer au débat sur la motion.

Les partis de l'opposition et les associations d'architectes, ingénieurs, policiers, procureurs et municipalités réclament une commission d'enquête. Une majorité de Québécois les appuie. «J'entends les Québécois, je comprends leurs inquiétudes», a tenu à rassurer M. Charest. Mais il explique ne pas vouloir gouverner en fonction «d'un titre de journal» ou d'une «saute d'humeur de l'opinion publique».

Le gouvernement dit partager l'objectif de ces acteurs, soit enrayer la collusion et la corruption. Le différend porte plutôt sur les moyens, selon le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil. Ce dernier a vanté les efforts de son gouvernement, entre autres les budgets et effectifs spéciaux de l'escouade Marteau (30 millions $ et plus de 70 enquêteurs de différentes agences).

Le gouvernement s'est attaqué au principe même des commissions d'enquête, qui seraient trop longues, coûteuses et inefficaces. Une commission, c'est «du bonbon» pour les «bandits», juge Guy Ouellette, député libéral et ancien employé de la Sûreté du Québec. «La Loi sur les commissions d'enquête les protège. Ils ont l'immunité, sauf s'ils se parjurent», estime-t-il.

M Charest déplore les « insinuations » du PQ, faites «sans preuve» selon lui, qui transformeraient l'Assemblée nationale en «tribunal populaire». «Mon devoir sacré comme premier ministre, c'est de faire respecter l'État de droit», a-t-il justifié.

Le débat était encore plus acrimonieux qu'à l'habitude hier en Chambre. Mme Marois a interpellé les députés libéraux avant le vote. «Est-ce que vous êtes conscients que votre silence protège un système pourri dont les Québécois ne veulent plus?» leur a-t-elle lancé.

Les autres péquistes n'ont pas lésiné sur les figures de style. Le gouvernement Charest représente une «seconde grande noirceur», croit Louise Beaudoin. Les députés libéraux sont comme des «poulets qui suivent le colonel Sanders jusqu'au bout», a imagé Bertrand St-Arnaud.

La population perd confiance en l'ensemble de la classe politique, selon notre sondage. Le PQ blâme le gouvernement Charest. Et il affirme être à l'abri de la corruption. «La probité, on a ça dans le sang», a avancé Mme Marois. Son député Pascal Bérubé a même soutenu que l'intégrité et la transparence étaient «innées» chez les péquistes.

Avant le vote, le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a proposé une voie de sortie au gouvernement: déclencher une commission d'enquête «vérité et réconciliation», qui accorderait la clémence - mais pas forcément l'amnistie - aux gens qui témoigneraient. Sa demande n'a pas été considérée.