Avec un meilleur suivi des projets informatiques des ministères et organismes, Québec espère épargner 200 millions de dollars d'ici à 2013-2014.

Un projet de loi présenté mercredi par la présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, imposera une gestion plus serrée de ces coûteux programmes d'achats, dont plusieurs ont tourné au cauchemar dans les dernières années.

Elle refuse de parler de «fiascos» - des «dérapages» tout au plus - quand on évoque les dizaines de millions engloutis inutilement dans les projets du ministère de la Santé, de la CSST ou de la Commission administrative des régimes de retraite (CARRA).

Les dépenses du gouvernement dans les systèmes informatiques atteignent 2,6 milliards de dollars par année.

Le projet de loi crée un poste de dirigeant principal de l'information - actuellement le secrétaire du Conseil du Trésor, Denis Jean. Les ministères et organismes auront des «dirigeants sectoriels» qui relèveront de lui.

Les projets de plus de 5 millions de dollars devront être approuvés au préalable par le Trésor. Les responsables devront faire des rapports annuels sur l'avancement des travaux, et tout dépassement de 10 % des budgets devra obtenir une autorisation supplémentaire.

Tous les ministères et organismes sont touchés, de même que les réseaux de l'éducation et de la santé. Même les agences régionales seront tenues d'appliquer cette politique. Hydro-Québec et Loto-Québec devront également se doter d'une stratégie identique.

Mme Courchesne n'est pas tendre avec la structure mise en place par le gouvernement Charest, le Centre de services partagés du Québec (CSPQ), qui alourdit inutilement le processus, selon un rapport récent d'une firme indépendante. Le CSPQ allait même jusqu'à facturer ses services aux ministères et organismes. Une telle approche entre les organismes du même gouvernement est une hérésie, selon Mme Courchesne.

Jusqu'ici, dans les ministères et organismes, «chacun faisait un peu sa petite affaire», constate Mme Courchesne. Avec le temps qui passe, les projets qui semblaient simples au départ se transforment en «défis de gestion importants». Trop souvent, au gouvernement, on a essayé de régler un problème par la création d'une application énorme alors qu'il aurait mieux valu scinder les projets. En ce sens, SAGIR (Solutions d'affaires en gestion intégrée des ressources) a mieux fonctionné que GIRES, un projet de banque de données dans lequel plus de

200 millions avaient été engloutis inutilement, selon le vérificateur général.

Le vérificateur arrivera tardivement l'an prochain avec un rapport très critique sur la gestion des projets d'informatique au gouvernement.

Mme Courchesne a nié que le gouvernement ait demandé à Renaud Lachance de différer la remise de son rapport - depuis 10 ans, il n'est arrivé qu'une seule fois que le vérificateur ne remette pas son rapport en décembre.

Depuis plusieurs années, le gouvernement a de plus en plus recours à l'expertise externe pour ses projets d'informatique, une tendance que Mme Courchesne veut renverser. L'accent sera mis sur l'embauche et la formation, explique-t-elle. Souvent, les fonctionnaires n'avaient pas l'expertise nécessaire pour contredire les consultants externes qui déterminaient les besoins des organismes. Il y a pénurie d'informaticiens au gouvernement, selon la ministre. «Pour challenger les consultants extérieurs, il faut de l'expertise», résume-t-elle.

Logiciels libres

Les fonctionnaires qui décident des contrats d'informatique, a dit Mme Courchesne, devront désormais tenir compte des propositions de «logiciels libres», ces programmes ouverts dont les licences sont gratuites, à la différence des coûteuses applications «propriétaires» comme Windows ou Office, les deux principaux produits de Microsoft.

Les logiciels libres devront être évalués sous l'angle de la qualité et de la fiabilité. Les coûts d'acquisition sont nuls, mais les services-conseils sur ces produits ne le sont pas, a-t-elle rappelé. Les ministères seront encouragés à se tourner vers ces solutions moins coûteuses, qu'utilisent déjà bien des gouvernements dans le monde.

Le député du Parti québécois Sylvain Simard a soutenu que ce geste arrivait bien tard, après plusieurs «fiascos avérés» qui auraient pu être corrigés. Quant à François Bonnardel, de l'ADQ, il a souligné que la politique annoncée était un aveu d'échec.

Les dérapages sont nombreux. Le Dossier santé Québec devait coûter 562 millions, on en est à 800 millions et les résultats sont encore loin d'être au rendez-vous. Le système de la CARRA devait coûter 75 millions; on atteint désormais 110 millions. Le système de facturation d'Hydro-Québec a bien des ratés en dépit d'une facture de 200 millions de dollars, deux fois plus que prévu.