La revue médicale britannique The Lancet exhorte le gouvernement du Québec à refuser son soutien aux entrepreneurs qui souhaitent relancer l'exploitation de l'amiante à la mine Jeffrey, à Asbestos, pour le prochain quart de siècle.

«The Lancet ajoute sa voix à celles de nombreux militants anti-amiante dans le monde, de l'Association médicale canadienne et d'autres, qui demandent que cesse cette exportation immorale de morts et de maladies liées à l'amiante chez des populations parmi les plus vulnérables du monde», dit le rédacteur en chef de la revue, le Dr Richard Horton.

«Nous demandons au gouvernement du Québec de ne pas soutenir la relance de la mine Jeffrey, qui continuerait ainsi d'exporter de l'amiante pendant encore 25 ans. Comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), The Lancet serait heureux de voir l'amiante disparaître dans toutes les régions du monde.»

La société Balcorp, un consortium international dirigé par le Montréalais Baljit Chadha, se dit prête à acheter la mine Jeffrey, à la condition que le gouvernement lui garantisse un prêt de 58 millions de dollars nécessaire à sa relance. Si le projet va de l'avant, la mine exportera 200 000 tonnes d'amiante par année en Asie, où la demande pour le minerai cancérigène est en forte croissance.

«Les liens entre l'amiante et les cancers du poumon, dont le mésothéliome, sont établis depuis longtemps, dit le Dr Horton. Les gouvernements du Québec et du Canada ne devraient pas exporter de l'amiante dans des nations en voie de développement où il y a peu de normes pour protéger les travailleurs ou la population en général de ses effets mortels. Ils devraient, en tant que gouvernements d'un pays riche, montrer l'exemple aux autres nations exportatrices - comme la Russie et le Kazakhstan - en déclarant que cette pratique n'est plus acceptable.»

Dans son dernier numéro, The Lancet rappelle que le Canada désamiante ses édifices à grands frais et a pratiquement banni de facto l'utilisation de ce minerai dans ses nouvelles constructions, mais qu'il continue à en exporter vers des pays pauvres, une attitude jugée «hypocrite» par le magazine.

L'Association médicale québécoise (AMQ) appuie la prestigieuse revue scientifique. «L'extraction, la transformation et l'utilisation de l'amiante chrysotile sont nocives pour la santé. Point à la ligne. En autorisant la garantie de prêt, le ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Innovation, Clément Gignac, cautionne l'exportation d'un produit qui tue annuellement 90 000 personnes, selon l'OMS», indique le Dr Jean-François Lajoie, président de l'AMQ.

Dans le monde, la mobilisation contre la relance de la mine Jeffrey prend de l'ampleur. Des manifestations sont prévues cette semaine dans plusieurs villes d'Asie et d'Europe. En Grande-Bretagne, des groupes anti-amiante doivent manifester aujourd'hui devant l'ambassade canadienne à Londres. Ils déposeront ensuite une pétition à Downing Street.

Le ministre britannique du Développement international, Alan Duncan, a récemment déclaré que son gouvernement était «totalement opposé à l'utilisation de l'amiante». Il a ajouté que «l'exportation canadienne d'amiante est un sujet d'inquiétude».

D'autre part, la délégation asiatique de militants anti-amiante poursuit sa tournée au Québec dans l'espoir de sensibiliser les politiciens et la population à leur cause. Ils ont rencontré hier la critique péquiste en matière de santé, Agnès Maltais, et des dirigeants de la Centrale des syndicats démocratiques, qui représente les mineurs d'Asbestos. Faute d'avoir pu obtenir un entretien avec le premier ministre Jean Charest, ils rencontreront samedi le ministre du Développement économique, Clément Gignac.