Les garderies subventionnées ne pourront plus enseigner de principes religieux aux tout-petits, a annoncé hier Yolande James, la ministre de la Famille, à une conférence de presse dans le quartier Parc-Extension. Cette nouvelle directive répond à des rapports médiatiques publiés l'hiver dernier sur des garderies subventionnées qui transmettaient la religion juive ou musulmane.

Il s'agit d'un virage à 180° par rapport à la position de l'ex-ministre de la Famille Tony Tomassi, qui ne voyait aucun problème à la transmission de ces «valeurs familiales». Selon la ministre James, une centaine de garderies, essentiellement dans la région montréalaise, devront réviser leur programme éducatif. Elles auront jusqu'au mois de juin pour le faire, sous peine de perdre en tout ou en partie leurs subventions.

La directive n'interdit pas l'explication d'une «manifestation culturelle liée à une fête à connotation religieuse», comme Noël ou Hannouka, ni l'enseignement de la diversité des croyances religieuses. Les garderies peuvent conserver des objets religieux pourvu qu'ils ne soient pas trop nombreux et ne soient pas utilisés dans les activités d'apprentissage. Un ministre du culte peut faire des activités pour les enfants, pourvu qu'elles n'aient pas de caractère religieux. Les employés peuvent prier, tout comme les enfants, pourvu qu'ils ne soient pas «supervisés» par les éducatrices. «C'est le gros bon sens», a dit la ministre James.

Des directives incomplètes

L'Association québécoise des centres de la petite enfance a bien accueilli les nouvelles directives. Mais son directeur général, Jean Robitaille, estime qu'elles sont incomplètes. «Elles ne couvrent pas les garderies en milieu familial, qui regroupent 92 000 des 210 000 places, dit M. Robitaille. On en a discuté avec le Ministère, qui est disposé à émettre d'autres directives pour les garderies en milieu familial. On comprend que ce sont des travailleuses autonomes et qu'un autre cadre juridique s'applique. Mais il ne faut pas laisser la moitié du problème en place.»

L'autre insatisfaction de M. Robitaille concerne la discrimination à l'admission. «Aucune directive n'interdit la discrimination sur une base confessionnelle ou ethnique. Il n'y a pas beaucoup de cas de ce genre, nous n'avons entendu parler que de deux garderies réservées aux filles, mais il faudrait se pencher là-dessus.»

L'attachée de presse de la ministre James, Geneviève Hinse, explique que les parents qui s'estiment victimes d'une telle discrimination peuvent s'adresser à la Commission des droits de la personne. Mais M. Robitaille trouve que ce processus est trop lourd.

La discrimination sur une base linguistique pourrait-elle être acceptable, par exemple si une garderie n'offrait des services qu'en allemand ou en chinois? «Nous n'y avons jamais réfléchi, il faudrait y penser», dit M. Robitaille.

»C'est trop flou»

Daniel Baril, cofondateur des Intellectuels pour la laïcité, estime pour sa part que le gouvernement fait fausse route. «Il fallait interdire tout signe ou vêtement religieux, dit M. Baril. Si une éducatrice porte une croix ou le voile, l'enfant va lui poser des questions. Il va falloir que les inspecteurs du Ministère fixent eux-mêmes la limite du nombre d'objets religieux dans une garderie. C'est trop flou.»

Par exemple, tant M. Baril que M. Robitaille estiment qu'une garderie qui ferait un sapin de Noël devrait éviter d'y mettre une crèche. «C'est l'élément fondateur du christianisme», explique M. Robitaille. Mme Hinse, de son côté, dit que Mme James «voulait justement éviter d'entrer dans les détails. Ce qu'on veut éviter, c'est une garderie qui profite de Noël pour enseigner des prières aux enfants, pour répéter une pièce de théâtre sur la naissance de Jésus.»

Qu'en est-il des anges qu'on accroche dans le sapin comme décoration, à côté des boules? Sur ce point, M. Baril et M. Robitaille sont aussi d'accord: les anges peuvent rester dans le sapin.